Mon amie d’enfance a épousé mon ex-mari, puis m’a abandonnée quand j’avais le plus besoin d’elle

« Tu ne peux pas me faire ça, Élodie ! » Ma voix tremble, résonne dans la cuisine étroite de mon appartement à Nantes. Je serre la tasse de café brûlant entre mes mains, comme si la chaleur pouvait empêcher mon cœur de se briser. Élodie, debout devant moi, détourne les yeux. Elle n’ose pas soutenir mon regard.

« Camille… Je suis désolée. Mais tu sais que ce n’était pas prévu. »

Je laisse échapper un rire amer. « Pas prévu ? Tu as épousé Marc ! Mon ex-mari ! Le père de Benjamin ! »

Le silence s’installe, lourd, étouffant. Je repense à toutes ces années où Élodie était ma confidente, ma sœur de cœur. On s’est rencontrées au lycée Clemenceau, on a traversé ensemble les galères des partiels, les premiers amours, les ruptures. Elle était là quand j’ai accouché de Benjamin, tenant ma main pendant que Marc paniquait dans le couloir.

Mais tout ça semble appartenir à une autre vie. Une vie avant la trahison.

Marc et moi, on s’est séparés il y a deux ans. La routine, les disputes pour un rien, la fatigue… On s’est éloignés sans même s’en rendre compte. Benjamin a mal vécu le divorce, bien sûr. Il s’est renfermé, a commencé à sécher les cours, à traîner avec des gamins qui n’avaient rien à faire dans un lycée. J’ai tout fait pour lui, mais j’étais seule. Enfin… je croyais avoir Élodie.

C’est elle qui m’a aidée à remplir les papiers du divorce, qui m’a écoutée pleurer au téléphone à deux heures du matin. Je lui ai tout confié : mes doutes, mes peurs, mes regrets. Jamais je n’aurais imaginé qu’elle puisse tomber amoureuse de Marc. Encore moins qu’elle l’épouse en secret, sans même m’en parler.

Je me souviens du jour où je l’ai appris. C’était un samedi pluvieux de novembre. Benjamin était chez son père pour le week-end. Je faisais les courses au marché de Talensac quand j’ai croisé la mère de Marc. Elle m’a félicitée pour « le mariage d’Élodie et Marc ». J’ai cru qu’elle plaisantait. Mais non : ils s’étaient mariés à la mairie du quartier Saint-Félix, en petit comité.

J’ai appelé Élodie aussitôt. Elle a nié d’abord, puis elle a avoué. « Je voulais te le dire… Mais j’avais peur de te perdre », a-t-elle murmuré.

Perdre ? Elle m’a perdue ce jour-là.

Depuis, tout est devenu compliqué. Benjamin refuse de parler à son père – ou à Élodie. Il dit qu’il se sent trahi par eux deux. À l’école, ses notes chutent encore plus bas. Les profs me convoquent sans cesse : « Madame Lefèvre, il faut faire quelque chose pour votre fils… »

Mais comment faire quand on est soi-même au bord du gouffre ?

Un soir de janvier, alors que je rentrais du travail – je suis infirmière à l’hôpital Laennec – j’ai trouvé Benjamin assis sur le canapé, les yeux rouges. Il avait reçu un message d’Élodie : « Tu es toujours le bienvenu chez nous ». Il m’a regardée avec une colère froide : « Chez NOUS ? Elle croit que je vais aller vivre avec eux ? »

J’ai voulu le rassurer, lui dire que tout irait bien. Mais je n’y croyais plus moi-même.

J’ai essayé d’appeler Élodie plusieurs fois après ça. Elle ne répondait plus. Un jour, elle m’a envoyé un simple texto : « Je crois qu’il vaut mieux qu’on prenne nos distances pour un moment ». J’ai relu ce message des dizaines de fois. Comment pouvait-elle me laisser tomber alors que j’avais le plus besoin d’elle ?

Ma mère me répète que je dois tourner la page, que la vie continue. Mais comment avancer quand on a l’impression d’avoir perdu tous ses repères ?

Un dimanche matin, alors que je buvais mon café sur le balcon, Benjamin est venu s’asseoir à côté de moi.

« Tu crois qu’on va s’en sortir, maman ? »

J’ai pris sa main dans la mienne. J’aurais voulu lui mentir, lui dire que oui, tout allait s’arranger. Mais je n’en savais rien.

Quelques semaines plus tard, Benjamin a été exclu trois jours du lycée pour avoir frappé un camarade qui s’était moqué de sa famille « éclatée ». J’ai été convoquée par la CPE : « Madame Lefèvre, il faut vraiment trouver une solution… Peut-être voir un psychologue scolaire ? »

J’ai accepté. Pour Benjamin. Pour moi aussi.

Les séances ont été difficiles au début. Benjamin refusait de parler. Puis un jour, il a craqué : « J’en veux à papa… mais j’en veux encore plus à Élodie ! Elle savait tout sur nous… »

Je l’ai serré fort contre moi. J’avais envie de pleurer aussi.

Aujourd’hui, six mois ont passé depuis ce fameux texto d’Élodie. Je n’ai plus de nouvelles d’elle. Parfois je la croise au marché ou devant l’école primaire où elle vient chercher sa nièce – elle détourne toujours les yeux.

Marc essaie parfois de me parler quand il vient chercher Benjamin le week-end. Mais je n’y arrive pas encore.

Je me demande souvent où j’ai failli : dans mon couple ? Dans mon amitié ? Dans mon rôle de mère ?

Parfois je me dis que la vraie trahison n’est pas celle des autres… mais celle qu’on se fait à soi-même en refusant d’avancer.

Et vous… avez-vous déjà ressenti cette douleur sourde de perdre ceux qu’on croyait indispensables ? Peut-on vraiment pardonner l’impardonnable ?