« Tu n’as pas le droit de garder le nom de mon fils ! » — Mon combat pour rester mère et femme
« Tu n’as pas le droit de garder le nom de mon fils après le divorce ! »
Le cri de ma belle-mère, Monique, a claqué dans l’air comme une gifle. Je suis restée figée, la main crispée sur la tasse de café, incapable de répondre. Paul, mon ex-mari, s’est contenté de détourner les yeux, comme s’il n’était qu’un invité gêné dans sa propre histoire. Mon fils, Lucas, jouait dans sa chambre, inconscient du séisme qui secouait notre salon.
Je m’appelle Claire Dubois. Enfin… Claire Martin-Dubois depuis dix ans. Dix ans à porter le nom de Paul, à m’effacer derrière ses ambitions, à sourire aux repas de famille où je n’étais jamais vraiment « des leurs ». Dix ans à faire semblant que tout allait bien, alors que je me noyais dans les non-dits et les regards en coin.
Le divorce a été prononcé il y a trois semaines. Je croyais naïvement que la tempête était passée. Mais ce matin-là, Monique est arrivée sans prévenir, armée de ses certitudes et de son mépris. Elle voulait que je renonce au nom « Martin », celui que je partageais avec Lucas. « Ce nom ne t’appartient plus », a-t-elle répété, la voix tremblante de colère. « Tu n’es plus une Martin. »
J’ai senti la honte m’envahir, puis la colère. Pourquoi devrais-je effacer une partie de moi ? Pourquoi devrais-je expliquer à Lucas que sa mère ne porte plus son nom ?
— Monique, ai-je murmuré, ce n’est pas qu’un nom. C’est aussi celui de Lucas. Je suis sa mère.
Elle a éclaté :
— Justement ! Tu veux qu’il soit perdu entre deux mondes ? Tu veux qu’on dise que tu profites encore de notre famille ?
Paul est resté muet. Comme toujours. Il n’a jamais su choisir entre sa mère et moi. C’est peut-être pour ça qu’on en est là.
Les jours suivants ont été un enfer. Monique appelait sans cesse, menaçait d’aller voir un avocat. Elle disait à qui voulait l’entendre que je voulais « voler » leur nom, leur histoire. Même mes propres parents m’ont demandé si ce n’était pas mieux d’abandonner ce nom pour « tourner la page ».
Mais comment tourner la page quand tout vous rappelle ce que vous perdez ?
Lucas a commencé à poser des questions :
— Maman, pourquoi mamie est fâchée ?
Je lui ai menti. J’ai dit que c’était une dispute d’adultes, rien de grave. Mais chaque soir, je pleurais en silence dans ma chambre. J’avais l’impression d’être dépossédée de tout : mon couple, ma famille, mon identité.
Un soir, alors que je rangeais les jouets de Lucas, il est venu s’asseoir près de moi.
— Tu vas changer de nom ?
J’ai senti ma gorge se serrer.
— Je ne sais pas encore, mon cœur.
Il a baissé la tête.
— Moi j’aime bien quand on a le même nom.
J’ai compris à cet instant que ce combat n’était pas seulement le mien. Il était aussi celui de mon fils.
J’ai pris rendez-vous avec une avocate spécialisée en droit de la famille à Nantes. Ma voix tremblait quand j’ai expliqué la situation.
— Madame Dubois-Martin…
— Martin-Dubois, ai-je corrigé machinalement.
Elle a souri tristement.
— Vous savez, vous avez le droit de garder ce nom si vous le souhaitez et si cela a du sens pour votre enfant. La loi française le permet dans certains cas.
J’ai senti un poids s’alléger sur mes épaules. Mais la bataille ne faisait que commencer.
Monique a lancé une procédure pour m’empêcher d’utiliser leur nom. Paul s’est rangé derrière elle — ou plutôt, il n’a rien fait pour l’en empêcher. Les réunions familiales sont devenues des champs de bataille silencieux : on me parlait à peine, on me regardait comme une intruse. Même à l’école, certaines mamans me demandaient si j’allais « redevenir Claire Dubois ».
Je me suis sentie invisible. Comme si tout ce que j’avais construit ces dix dernières années n’avait jamais existé.
Un soir d’hiver, alors que je raccompagnais Lucas chez son père pour le week-end, il m’a serrée très fort dans ses bras.
— Tu resteras toujours ma maman Martin-Dubois ?
J’ai fondu en larmes devant lui pour la première fois.
— Oui, mon trésor. Toujours.
C’est là que j’ai compris : ce n’était pas seulement une question d’orgueil ou d’habitude. C’était une question d’amour et d’appartenance.
Le jugement est tombé au printemps suivant : j’avais le droit de conserver le nom « Martin-Dubois » tant que Lucas était mineur et portait lui-même ce nom. Monique a hurlé à l’injustice ; Paul a baissé les yeux ; moi, j’ai pleuré — mais cette fois-ci de soulagement.
Aujourd’hui encore, il y a des regards lourds à la sortie de l’école ou lors des réunions familiales. Mais je marche la tête haute. J’ai appris à dire non, à défendre ma place et celle de mon fils.
Parfois je me demande : pourquoi est-ce si difficile d’accepter qu’une femme puisse garder son identité après un divorce ? Pourquoi tant de gens pensent-ils qu’on ne mérite plus rien dès qu’on n’est plus « la femme de » ?
Et vous… Que feriez-vous à ma place ? Est-ce que vous auriez eu la force de vous battre pour un simple nom — ou plutôt pour tout ce qu’il représente ?