Deux ans plus tard : Mariée à un homme divorcé, je demande le divorce – Sa fille et nos rêves dans un studio parisien

« Tu ne comprends rien ! » La voix d’Élodie résonne encore dans mes oreilles, aiguë, tranchante, comme un éclat de verre. Je serre la poignée de la porte de la salle de bains, tentant de retenir mes larmes. Paul frappe doucement : « Camille, ouvre-moi… S’il te plaît. » Mais je ne peux pas. Pas ce soir. Pas après cette nouvelle dispute.

Il y a deux ans, j’étais certaine d’avoir trouvé l’amour. Paul, avec ses yeux fatigués mais tendres, son humour discret, sa façon de me regarder comme si j’étais la première femme à lui offrir une seconde chance. Nous nous sommes rencontrés lors d’un vernissage à Montmartre. Il m’a parlé de sa fille, Élodie, onze ans à l’époque, qu’il voyait un week-end sur deux. J’ai trouvé cela attendrissant. Je me voyais déjà belle-mère idéale, complice et bienveillante.

Mais la réalité parisienne est cruelle. Après notre mariage civil à la mairie du 18ème, nous avons emménagé dans ce studio de 28m², persuadés que l’amour suffirait à tout surmonter. Les loyers sont exorbitants, les salaires modestes. Nous avons fait des plans sur la comète : « On trouvera mieux bientôt », « Ce n’est que temporaire », « On s’adaptera ». Mais le temporaire s’est éternisé.

Quand l’ex-femme de Paul a décidé de partir vivre à Lyon pour son travail, Élodie est venue habiter chez nous à plein temps. Du jour au lendemain, notre minuscule cocon s’est transformé en champ de bataille. Plus d’intimité, plus de place pour rêver. Le lit gigogne est devenu le symbole de notre quotidien : on le tire chaque soir, on le replie chaque matin, en espérant que la nuit efface les tensions.

Élodie n’a jamais accepté ma présence. Elle me regarde comme une intruse, une voleuse de père. Elle laisse traîner ses affaires partout, claque les portes, refuse de dîner avec nous. Paul tente de ménager tout le monde : « Elle a besoin de temps », répète-t-il. Mais le temps passe et rien ne change.

Un soir d’hiver, alors que la pluie martelait les vitres et que la chaudière faisait des siennes, j’ai surpris une conversation entre Paul et Élodie :

— Tu ne comprends pas que c’est difficile pour moi ?
— Je sais que c’est dur… Mais Camille essaie vraiment.
— Je veux juste que tout redevienne comme avant !

J’ai senti mon cœur se serrer. Avant… Avant moi.

Les disputes se sont multipliées. Un matin, Élodie a vidé mon sac sur le sol en cherchant son carnet de correspondance. J’ai crié. Paul a crié aussi. Puis il s’est excusé pour elle, encore une fois. J’ai eu l’impression d’être invisible.

Nos rêves se sont effrités lentement : le projet d’acheter un deux-pièces à Saint-Ouen ? Oublié. Les vacances en Bretagne ? Annulées faute d’argent et d’entente. Même nos soirées cinéma se sont transformées en séances de silence gênant ou de disputes larvées.

Un dimanche matin, alors que je préparais du café, Paul m’a prise dans ses bras :

— On va y arriver, tu verras…
— Tu y crois encore ?
— Il faut qu’on tienne bon… Pour Élodie.

Mais moi, je n’y croyais plus. Je me suis surprise à rêver d’un espace rien qu’à moi, d’un silence apaisant, d’une vie où je ne serais pas toujours celle qui doit comprendre et pardonner.

La semaine dernière, j’ai trouvé une annonce pour un petit appartement à louer dans le 20ème. J’ai visité en cachette. Deux pièces baignées de lumière, un balcon minuscule mais suffisant pour respirer. J’ai signé le bail hier.

Ce soir, j’annonce à Paul que je pars. Il me regarde sans comprendre :

— Tu abandonnes ?
— Non… Je me sauve.

Élodie ne dit rien. Elle détourne les yeux vers la fenêtre. Peut-être qu’elle est soulagée… Ou peut-être qu’elle comprendra un jour ce que c’est que d’étouffer dans un espace trop petit pour trois cœurs blessés.

Je ferme la porte derrière moi avec une valise et mille regrets. Dans la cage d’escalier qui sent la lessive bon marché et les rêves déçus, je me demande : Est-ce que l’amour suffit vraiment quand la vie devient trop étroite ? Ou faut-il parfois s’aimer assez pour partir ?

Et vous… Qu’auriez-vous fait à ma place ?