J’ai tout quitté pour une autre femme : le prix amer de la passion

« Tu ne penses qu’à toi, François ! » La voix de Claire résonne encore dans la cuisine, brisant le silence du petit matin. Je serre la poignée de ma valise, le cœur battant, incapable de soutenir son regard. Derrière elle, nos deux enfants, Lucie et Paul, me fixent avec des yeux pleins d’incompréhension. Je suis sur le point de franchir la porte, de quitter vingt ans de vie commune pour une femme rencontrée il y a à peine six mois.

Tout a commencé un soir d’automne, lors d’un séminaire à Lyon. J’étais fatigué, usé par la routine, par les disputes incessantes avec Claire à propos des factures, des devoirs des enfants, du temps qui file sans qu’on s’en rende compte. C’est là que j’ai croisé le regard de Sophie. Elle riait fort, elle semblait libre, légère, tout ce que je n’étais plus. Nous avons parlé toute la soirée, puis nous nous sommes revus à Paris. Rapidement, j’ai cru que je pouvais tout recommencer avec elle, que cette passion effacerait mes frustrations et mes regrets.

Mais ce matin-là, alors que je quitte notre appartement de Boulogne-Billancourt, je sens déjà le poids du remords s’abattre sur mes épaules. « Papa, tu reviens quand ? » demande Paul d’une voix tremblante. Je ne réponds pas. Je claque la porte derrière moi.

Les premiers mois avec Sophie sont grisants. Nous partons en week-end à Deauville, nous dînons dans des petits bistrots du Marais, nous faisons l’amour comme des adolescents. Je me persuade que j’ai fait le bon choix. Mais très vite, la réalité me rattrape. Sophie n’a pas d’enfants, elle ne comprend pas pourquoi je veux appeler Lucie pour son anniversaire ou assister au spectacle de Paul. Elle s’agace de mes absences, de mes silences quand je pense à eux.

Un soir, alors que je rentre tard dans notre nouvel appartement du 15e arrondissement, Sophie m’attend sur le canapé. « Tu n’es jamais vraiment là, François. Tu penses encore à ta famille ? » Je ne sais pas quoi répondre. Je me sens écartelé entre deux mondes qui ne se rejoignent jamais.

Pendant ce temps, Claire m’envoie des messages froids et brefs : « Lucie a eu 16 en maths », « Paul a perdu sa dent ». Je sens la distance grandir entre nous tous les jours. Les enfants refusent parfois de me parler au téléphone. Ma mère m’appelle pour me dire que mon père ne comprend pas mon choix : « On n’abandonne pas sa famille comme ça, François ! »

Je commence à regretter. Je me rends compte que l’amour fou ne suffit pas à combler le vide laissé par l’absence de mes enfants, par la perte de mon quotidien avec eux. Sophie devient jalouse, possessive. Nos disputes éclatent pour un rien : une photo de Lucie sur mon portable, un dessin de Paul accroché au frigo.

Un dimanche soir pluvieux de novembre, je décide d’aller voir Lucie jouer au handball à Suresnes. Claire est là, froide mais digne. Lucie marque un but et court vers moi sans me regarder vraiment. Après le match, je tente une conversation maladroite :
— Tu sais que je t’aime très fort ?
Elle hausse les épaules :
— Si tu nous aimais tant, tu serais resté.

Je rentre chez Sophie vidé, honteux. Elle m’attend avec un air fermé :
— Tu as encore passé la journée avec eux ?
Je m’énerve :
— Ce sont mes enfants !
Elle explose :
— Et moi alors ? J’existe aussi !

La tension devient insupportable. Je commence à boire plus que d’habitude. Au travail, mes collègues évitent mon regard ; certains savent ce qui s’est passé et me jugent en silence. Ma sœur m’envoie un message cinglant : « Tu as tout gâché pour quoi ? »

Un soir de décembre, Sophie me quitte brusquement : « Je ne peux plus vivre avec un homme qui n’est jamais vraiment là. » Elle claque la porte comme je l’ai fait quelques mois plus tôt. Je me retrouve seul dans cet appartement impersonnel où chaque objet me rappelle mon erreur.

Je tente de renouer avec Claire et les enfants. Mais la blessure est profonde. Claire a refait sa vie avec un collègue du lycée où elle enseigne. Les enfants m’acceptent à peine lors des week-ends imposés par le juge aux affaires familiales du tribunal de Nanterre.

Je réalise alors l’ampleur de ma faute. J’ai cru qu’on pouvait tout recommencer à zéro à quarante-cinq ans, qu’une passion pouvait effacer vingt ans d’histoire commune et deux enfants magnifiques. Mais la réalité est bien plus cruelle.

Aujourd’hui, je vis seul dans un petit deux-pièces à Levallois-Perret. Je vois Lucie et Paul un week-end sur deux ; ils restent souvent silencieux ou plongés dans leurs téléphones. Parfois, je croise Claire au marché ; elle me salue poliment mais son regard est ailleurs.

Je repense sans cesse à ce matin où j’ai quitté la maison. Était-ce vraiment la liberté que je cherchais ? Ou fuyais-je simplement mes propres failles ? J’aimerais demander pardon mais je sais que certaines erreurs ne s’effacent jamais.

Est-ce qu’on mérite une seconde chance après avoir tout détruit ? Peut-on vraiment réparer ce qu’on a brisé ? Qu’en pensez-vous ?