Je ne suis pas une nounou gratuite – Quand ta propre famille ne te comprend pas
« Tu pourrais au moins rendre service à la famille, non ? » La voix de ma belle-mère, Monique, résonne encore dans ma tête. Ce dimanche-là, la table était dressée avec soin, le poulet rôti fumait au centre, mais l’ambiance était glaciale. Mon mari, François, évitait mon regard, fixant obstinément son assiette. Je sentais déjà la tempête arriver, mais je n’imaginais pas à quel point elle allait bouleverser notre vie.
Tout a commencé par une question en apparence innocente : « Dis donc, Élodie, puisque tu es en congé maternité, tu pourrais garder Justine la semaine prochaine ? » Justine, c’est la fille de la sœur de François, une gamine vive de quatre ans. J’ai regardé mes deux enfants, Léa et Arthur, qui se chamaillaient déjà sur le tapis du salon. J’ai senti la fatigue me tomber dessus comme une chape de plomb. Deux enfants en bas âge, des nuits blanches à répétition… et on me demandait d’en ajouter un troisième ?
J’ai tenté d’expliquer : « Je suis désolée, mais je n’y arriverai pas. Je dors à peine, Arthur fait encore ses dents et Léa réclame toute mon attention. »
Monique a levé les yeux au ciel : « À notre époque, on ne se plaignait pas autant. On s’entraidait sans compter. »
François a murmuré : « Ce n’est qu’une semaine… »
J’ai senti la colère monter. Pourquoi était-ce toujours à moi de tout porter ? Pourquoi mon congé maternité était-il vu comme des vacances ? J’ai quitté la table sans un mot, les larmes aux yeux.
Le lendemain, le téléphone n’a pas arrêté de sonner. Ma belle-sœur, Claire, m’a envoyé un message sec : « Merci pour ta solidarité… » Ma propre mère m’a appelée : « Tu sais, parfois il faut savoir faire des compromis pour la paix familiale. » Mais à quel prix ?
Les jours suivants ont été un enfer silencieux. François rentrait tard, prétextant du travail supplémentaire. À la maison, je me débattais avec les couches, les biberons et les caprices. Léa a commencé à faire des cauchemars ; Arthur pleurait sans cesse. Je me sentais seule contre tous.
Un soir, alors que je berçais Arthur dans le noir du salon, François est rentré. Il s’est assis en face de moi sans un mot. J’ai craqué :
— Tu trouves ça normal que tout le monde me tombe dessus ?
— Ce n’est pas ce que tu crois…
— Alors explique-moi ! Pourquoi c’est toujours à moi qu’on demande ? Pourquoi personne ne voit que je suis déjà au bout du rouleau ?
Il a soupiré :
— C’est compliqué… Ma mère pense que tu pourrais faire un effort. Elle dit que tu es à la maison.
— Mais je ne suis pas en vacances ! Tu crois que c’est facile ? Tu crois que je ne voudrais pas souffler moi aussi ?
Il n’a rien répondu. J’ai compris qu’il ne comprenait pas. Ou qu’il ne voulait pas comprendre.
Les jours ont passé. Les regards en coin lors des repas de famille sont devenus plus lourds. On ne m’invitait plus aux sorties du dimanche. Même Léa a remarqué : « Pourquoi mamie ne veut plus venir nous voir ? »
J’ai essayé d’en parler à une amie, Sophie. Elle m’a dit : « Tu as raison de poser tes limites. Si tu acceptes tout, ils ne s’arrêteront jamais. » Mais le doute me rongeait. Et si j’étais vraiment égoïste ? Et si j’étais en train de briser l’harmonie familiale pour une question d’orgueil ?
Un matin, alors que je déposais Léa à l’école maternelle du quartier, j’ai croisé Claire sur le trottoir.
— Tu pourrais au moins penser à Justine… Elle adore être avec ses cousins.
— Ce n’est pas contre elle… Mais je ne peux pas tout faire.
— On dirait que tu ne veux jamais aider.
Je suis rentrée chez moi en pleurant. J’ai passé la journée à ressasser leurs reproches. Le soir venu, j’ai pris mon courage à deux mains et j’ai écrit un message dans le groupe familial :
« Je comprends que vous soyez déçus. Mais je suis épuisée et j’ai besoin de penser à mes enfants et à moi-même aussi. Je ne peux pas être la nounou de tout le monde simplement parce que je suis en congé maternité. Merci de respecter mes limites. »
Le silence a été long. Puis Monique a répondu sèchement : « On saura s’en souvenir. »
Depuis ce jour-là, les relations sont tendues. François fait des efforts pour m’aider davantage à la maison, mais il reste partagé entre sa famille et moi. Parfois, je me demande si j’ai fait le bon choix. Mais quand je regarde Léa et Arthur dormir paisiblement, je me dis que j’ai protégé ce qui comptait le plus.
Est-ce vraiment égoïste de vouloir préserver son équilibre ? Où finit l’entraide familiale et où commence l’exploitation ? Qu’en pensez-vous ?