Des Roses Pour Son Ex, Rien Pour Moi : Le Poids Invisible de l’Ancienne Vie
— Tu as acheté des fleurs pour Sophie ?
Ma voix tremblait, étranglée par la surprise et la colère. Il était 7h du matin, la lumière grise de Paris filtrait à peine à travers les rideaux. Sur la table du salon, un bouquet de roses rouges, encore couvert de gouttes d’eau, trônait dans un vase. Une petite carte blanche dépassait : « Joyeux anniversaire, Sophie. »
David releva à peine les yeux de son café. « Oui… C’est son anniversaire aujourd’hui. Je voulais marquer le coup. »
J’ai senti mon cœur se serrer. Deux ans que nous sommes mariés. Deux ans à attendre un geste, même minuscule. Pas une rose, pas un chocolat, pas même une carte pour mon anniversaire ou la Saint-Valentin. Mais pour elle, son ex-femme, il se souvenait. Il marquait le coup.
Je me suis assise en face de lui, les mains crispées sur ma tasse vide. « Tu ne trouves pas ça… déplacé ? »
Il a soupiré, l’air fatigué. « Camille, c’est la mère de mes enfants. On a partagé vingt ans ensemble. Je ne veux pas qu’on soit en guerre. »
J’ai eu envie de hurler. Je savais qu’il avait été marié avant moi, que Sophie faisait partie de sa vie. Mais je n’avais jamais imaginé que je me sentirais aussi invisible.
Ma mère m’avait prévenue. « On ne quitte pas un homme fiable, Camille. S’il est divorcé, c’est qu’il y a une raison… » J’avais balayé ses paroles d’un revers de main, sûre de moi, amoureuse. Aujourd’hui, je me demandais si elle n’avait pas raison.
Le soir même, j’ai appelé ma sœur, Élodie.
— Tu ne trouves pas ça bizarre ? Il ne m’a jamais rien offert !
— Camille… Tu savais qu’il avait une histoire avant toi. Peut-être qu’il essaie juste d’être correct avec elle.
— Mais moi ? Je compte pour du beurre ?
Sa voix s’est adoucie :
— Parle-lui franchement. Dis-lui ce que tu ressens.
Mais comment dire à l’homme qu’on aime qu’on se sent moins importante que son passé ?
Les jours suivants, j’ai observé David différemment. Chaque message échangé avec Sophie me paraissait suspect. Chaque sourire adressé à ses enfants — deux ados qui passaient le week-end chez nous — me rappelait que je n’étais pas leur mère, que je n’étais qu’une pièce rapportée dans leur histoire.
Un samedi matin, alors que je préparais le petit-déjeuner pour tout le monde, j’ai surpris une conversation entre David et sa fille, Juliette.
— Papa, tu crois que maman va aimer les fleurs ?
— Bien sûr ! Elle adore les roses rouges.
J’ai eu envie de tout balancer par la fenêtre : les croissants, la confiture, mon cœur en miettes.
À midi, alors que David débarrassait la table, j’ai craqué.
— Tu sais ce qui me fait mal ? Ce n’est pas que tu sois gentil avec Sophie. C’est que tu ne l’es jamais avec moi.
Il s’est arrêté net.
— Camille… Je ne savais pas que tu ressentais ça.
— Comment pourrais-tu le savoir ? Tu ne demandes jamais comment je vais. Tu ne fais jamais attention à ce qui me ferait plaisir.
Il a posé l’assiette dans l’évier et s’est approché de moi.
— Je suis désolé… Je crois que je me suis habitué à tout gérer comme avant. Avec Sophie, il y avait des habitudes… Peut-être que je n’ai pas su recommencer à zéro avec toi.
J’ai senti mes yeux s’embuer.
— J’ai l’impression d’être un fantôme dans ta vie.
Il a voulu me prendre dans ses bras mais je l’ai repoussé doucement.
— Je ne veux pas être une option par défaut. Je veux être ton choix.
Le soir venu, j’ai longuement marché dans les rues du quartier. Les vitrines éclairées des boulangeries me rappelaient les anniversaires oubliés, les Saint-Valentin ignorées. J’ai repensé à toutes ces fois où j’avais fait semblant que ça ne comptait pas — que l’amour mature n’avait pas besoin de preuves matérielles.
Mais ce n’était pas vrai. J’avais besoin d’exister pour lui autrement que comme la femme pratique qui gère les courses et les lessives.
En rentrant, j’ai trouvé David assis sur le canapé, une boîte de chocolats posée à côté de lui.
— Je sais que ce n’est pas grand-chose… Mais je veux essayer d’être plus attentif à toi.
J’ai souri tristement.
— Ce n’est pas une question de chocolats ou de fleurs. C’est une question de place dans ta vie.
Il a hoché la tête, l’air perdu.
Les semaines ont passé. David a fait des efforts : un dîner improvisé au restaurant du coin, un mot doux glissé dans mon sac. Mais quelque chose s’était brisé en moi. La certitude d’être unique avait disparu.
Un dimanche après-midi, alors que nous étions invités chez mes parents à Versailles, ma mère m’a prise à part dans la cuisine.
— Tu as l’air fatiguée…
— Je me sens invisible, maman.
— Tu sais… Parfois on aime quelqu’un qui ne sait pas aimer comme on en a besoin.
Ses mots m’ont frappée en plein cœur.
Ce soir-là, j’ai regardé David dormir à côté de moi et j’ai compris : il ne serait jamais celui qui m’offrirait des roses sans raison. Peut-être parce qu’il avait déjà donné le meilleur de lui-même à une autre femme. Peut-être parce qu’il ne savait plus comment recommencer.
Mais moi ? Est-ce que je devais me contenter d’être celle qui passe après ? Est-ce qu’on peut vraiment construire un avenir quand on se sent toujours en compétition avec le passé ?
Et vous… Est-ce que vous avez déjà eu l’impression d’être invisible dans votre propre couple ? Est-ce qu’on peut vraiment apprendre à aimer autrement ?