« Vivre Frugalement : Le Coût de l’Économie de Mon Père »
En grandissant dans une petite ville de Normandie, ma vie était définie par la quête incessante de frugalité de mon père. C’était un homme qui croyait au pouvoir d’économiser chaque centime, convaincu que la sécurité financière était l’objectif ultime. Bien que ses intentions fussent nobles, la réalité de vivre sous ses contraintes budgétaires strictes m’a laissé un sentiment de privation et de ressentiment.
Notre maison était modeste, remplie de meubles qui avaient connu des jours meilleurs. Mes vêtements étaient toujours des vêtements usagés provenant de cousins plus âgés ou trouvés dans des friperies. Tandis que mes camarades de classe portaient les dernières modes, j’étais coincé dans des styles démodés qui ne m’allaient jamais vraiment. Je me souviens de la piqûre d’embarras quand un camarade a fait remarquer que mes chaussures étaient en train de se défaire. La réponse de mon père était toujours la même : « Elles ont encore de la vie devant elles. »
Les repas chez nous étaient simples et répétitifs. Nous mangions beaucoup de haricots, de riz et de pâtes — des aliments bon marché qui remplissaient nos estomacs mais laissaient peu de place à la variété ou au plaisir. Les fruits et légumes frais étaient un luxe dont nous ne profitions que rarement. Manger au restaurant était impensable, et les vacances en famille inexistantes. Le plus proche que nous ayons eu d’un congé était une excursion d’une journée dans un parc voisin, où nous mangions des sandwiches que mon père avait préparés pour éviter de dépenser de l’argent en nourriture.
Enfant, je ne comprenais pas pleinement pourquoi nous vivions ainsi. Je savais que mon père travaillait dur à son travail, mais il parlait toujours d’économiser pour l’avenir. « Nous devons être prêts à tout, » disait-il, sa voix teintée d’urgence. Mais en grandissant, j’ai commencé à me demander pour quoi nous nous préparions vraiment. Cela valait-il la peine de sacrifier autant dans le présent pour un avenir incertain ?
Le ressentiment a commencé à s’accumuler pendant mon adolescence. Je voyais mes amis profiter de choses dont je ne pouvais que rêver — des vêtements neufs, des vacances en famille, même des sorties simples au cinéma ou dans des parcs d’attractions. Je me sentais comme un étranger, toujours en marge de leurs expériences. L’économie de mon père est devenue une source de tension entre nous. Je voulais m’intégrer, me sentir normal, mais il ne voyait pas au-delà de son obsession pour l’épargne.
Quand est venu le temps d’aller à l’université, les économies de mon père ont payé d’une certaine manière : j’ai pu y aller sans contracter de dettes. Mais même alors, sa frugalité a jeté une longue ombre. J’ai choisi une université locale plutôt que celle de mes rêves parce qu’elle était moins chère, et j’ai vécu chez moi pour économiser sur les dépenses. Tandis que mes pairs exploraient de nouvelles villes et vivaient indépendamment, je me sentais piégé par les mêmes contraintes qui avaient défini mon enfance.
Maintenant adulte, je me retrouve à lutter pour me libérer des habitudes inculquées par l’économie de mon père. Je ressens encore de la culpabilité à dépenser de l’argent pour autre chose que l’essentiel, hanté par sa voix me rappelant d’économiser pour l’avenir. Le ressentiment persiste, un rappel constant du prix que j’ai payé pour sa sécurité financière.
Je me demande souvent s’il existe un équilibre entre économiser pour demain et vivre pour aujourd’hui. Les intentions de mon père étaient bonnes, mais ses méthodes m’ont laissé un sentiment de privation et de déconnexion avec le monde qui m’entoure. En naviguant dans l’âge adulte, je suis déterminé à trouver cet équilibre — à créer une vie où la responsabilité financière ne se fait pas au détriment du bonheur et de l’épanouissement.