Sur le téléphone de mon mari de 63 ans, j’ai trouvé des messages d’une autre femme : le silence qui m’a brisée
— Tu rentres tard ce soir, François ?
Ma voix tremble à peine, mais il ne le remarque pas. Il enfile sa veste, attrape machinalement son téléphone posé sur la commode. Je le regarde faire, le cœur serré. Depuis quelques jours, je ne dors plus. Je repense à ce que j’ai vu, ce que je n’aurais jamais dû voir.
C’était un samedi matin banal. Je cherchais la recette du gratin dauphinois sur le téléphone de François — le mien était déchargé — quand une notification est apparue : « Merci pour hier soir… Tu es incroyable. » Signé : Sophie. J’ai senti le sol se dérober sous mes pieds. J’ai ouvert la conversation. Des mots doux, des souvenirs partagés, des promesses de se revoir. J’ai cru mourir.
J’ai reposé le téléphone, tremblante. J’ai voulu croire à une erreur. Peut-être une collègue trop familière ? Mais les messages étaient sans équivoque. J’ai passé la journée à jouer la comédie, à sourire à François comme si de rien n’était. Le soir venu, il m’a embrassée sur le front comme d’habitude. J’ai eu envie de hurler.
Le lendemain, j’ai tenté d’en parler à ma fille, Camille. « Maman, tu es sûre ? Papa n’a jamais été du genre à… » Elle n’a pas fini sa phrase. Je l’ai sentie gênée, presque agacée par mes soupçons. Mon fils, Julien, lui, m’a dit : « Tu te fais des idées, maman. Papa t’aime. »
Mais les messages ont continué d’arriver. Toujours plus intimes, toujours plus blessants. J’ai commencé à surveiller François, à guetter ses moindres gestes. Il riait plus souvent en consultant son téléphone, s’absentait pour répondre à des appels dans le jardin ou dans la voiture.
Un soir, alors qu’il pensait que je dormais, je l’ai entendu murmurer : « Moi aussi, tu me manques… »
Je n’ai pas dormi de la nuit.
Le lendemain matin, au petit-déjeuner, j’ai craqué.
— François… Qui est Sophie ?
Il a blêmi. Son regard a fui le mien. Un silence lourd s’est installé dans la cuisine.
— C’est une amie… du club de randonnée.
— Une amie ? Tu lui dis qu’elle te manque ?
Il a soupiré, s’est frotté le visage.
— Claire… Je suis désolé. Je ne voulais pas te blesser.
J’ai éclaté en sanglots. Trente-cinq ans de mariage réduits à ça ? À des excuses minables et des secrets ?
Il a tenté de me prendre la main. Je l’ai repoussée.
— Pourquoi ? Qu’est-ce qui te manque avec moi ?
Il n’a pas su répondre. Ou il n’a pas voulu.
Les jours suivants ont été un enfer silencieux. Nous vivions côte à côte comme deux étrangers. Les enfants ont senti la tension mais n’ont rien dit. J’ai eu honte de leur avouer la vérité.
Un soir, j’ai pris mon courage à deux mains et j’ai appelé Sophie. Sa voix était douce, presque gênée.
— Je suis désolée, Claire… Je ne voulais pas que ça arrive comme ça.
— Vous saviez qu’il était marié.
— Oui… Mais il m’a dit qu’il était malheureux.
J’ai raccroché sans un mot. Malheureux ? Depuis quand ? Pourquoi ne m’avait-il rien dit ?
J’ai repensé à toutes ces années passées ensemble : nos vacances en Bretagne, les Noëls chez mes parents à Lyon, les promenades sur les quais de la Garonne… Avais-je été aveugle ? Avais-je manqué quelque chose ?
François a fini par partir quelques jours chez son frère à Bordeaux pour « réfléchir ». J’ai erré dans la maison vide, relu nos vieilles lettres d’amour jaunies par le temps. J’avais envie de tout brûler.
Quand il est revenu, il avait l’air fatigué, vieilli.
— Claire… Je ne sais pas ce que je veux. Je suis perdu.
Je l’ai regardé longtemps sans rien dire. Moi non plus, je ne savais plus ce que je voulais.
Les enfants sont venus nous voir un dimanche après-midi. Camille a pleuré dans mes bras. Julien a serré son père sans un mot. Nous étions tous brisés par ce secret qui avait explosé au grand jour.
Aujourd’hui, cela fait trois semaines que François dort dans la chambre d’amis. Nous parlons peu. Parfois je me surprends à espérer qu’il revienne vers moi comme avant ; parfois je me dis que je mérite mieux que ses mensonges.
Est-ce qu’on peut vraiment pardonner une trahison pareille ? Est-ce que trente-cinq ans d’amour peuvent effacer la douleur ? Ou faut-il tout recommencer ailleurs ?
Et vous… qu’auriez-vous fait à ma place ?