Regret au cœur : Quitter ma jeune épouse pour mon premier amour
— Tu ne comprends donc rien, François ! hurle Claire, les yeux rougis par les larmes. Tu n’es jamais là, tu ne fais que parler du passé !
Je reste figé, incapable de répondre. La pluie frappe violemment les carreaux, rythmant le silence pesant qui s’abat sur notre salon. Je regarde Claire, si jeune, si belle, mais son visage est déformé par la colère et la tristesse. Je me demande comment j’ai pu croire que cette histoire me sauverait de moi-même.
Tout a commencé il y a trois ans. J’avais quarante-sept ans, un mariage de vingt ans avec Sophie, une femme douce et forte, et un fils de seize ans, Paul. Mais la routine avait tout englouti : les petits-déjeuners silencieux, les soirées devant la télévision sans un mot, les vacances où chacun lisait dans son coin. Je me sentais vieux, invisible. Puis Claire est arrivée dans mon bureau d’architecte. Elle avait vingt-sept ans, une énergie folle, des idées lumineuses. Elle riait à mes blagues fatiguées, me regardait comme si j’étais encore capable de tout.
Je me suis laissé emporter. Les dîners tardifs au bureau sont devenus des rendez-vous secrets. J’ai menti à Sophie, à Paul. J’ai cru que je pouvais tout recommencer, effacer les années d’habitudes et de compromis. Un soir d’automne, j’ai tout avoué à Sophie. Elle n’a pas pleuré. Elle m’a simplement regardé avec une tristesse immense :
— Tu crois vraiment que tu seras heureux avec elle ?
J’ai haussé les épaules, incapable de répondre. Paul ne m’a plus adressé la parole pendant des mois.
Avec Claire, tout était nouveau : les voyages improvisés à Marseille, les nuits blanches à refaire le monde. Mais très vite, j’ai compris que je n’étais pas à ma place. Elle voulait sortir, rencontrer ses amis ; je rêvais de soirées tranquilles, d’un foyer apaisé. Nos disputes sont devenues fréquentes. Elle me reprochait mon manque d’enthousiasme, ma jalousie envers ses collègues masculins.
Un soir, alors qu’elle rentrait d’une soirée entre amis, je l’ai attendue dans le salon.
— Tu rentres tard…
— Tu vas encore faire une scène ? François, j’ai vingt-sept ans ! Je ne veux pas finir comme toi, enfermé dans une routine !
Ses mots m’ont frappé en plein cœur. J’ai compris que je n’étais qu’un passage dans sa vie, un fantasme de maturité et de sécurité.
Les mois ont passé. Je pensais sans cesse à Sophie et Paul. Je revoyais nos vacances en Bretagne, les anniversaires improvisés dans la cuisine, les disputes pour des broutilles qui finissaient toujours en éclats de rire. J’ai tenté d’appeler Paul plusieurs fois ; il ne répondait jamais.
Un dimanche matin, j’ai croisé Sophie au marché de la rue Mouffetard. Elle portait un panier rempli de légumes, son sourire fatigué mais sincère.
— Tu vas bien ?
— On fait aller… Et toi ?
— Je crois que j’ai tout gâché.
Elle a haussé les épaules.
— On fait tous des erreurs.
J’aurais voulu lui dire que je regrettais tout, que je donnerais n’importe quoi pour revenir en arrière. Mais les mots sont restés coincés dans ma gorge.
Ce soir-là, j’ai retrouvé Claire assise sur le canapé, le regard perdu.
— François… Je crois qu’on se trompe tous les deux. Tu n’es pas heureux avec moi. Et moi… je ne peux pas être celle dont tu rêves.
Elle a pleuré en silence. J’ai pris sa main. Nous avons décidé de nous séparer sans cris ni reproches. Juste deux solitudes qui se reconnaissent enfin.
Depuis, je vis seul dans un petit appartement du 14e arrondissement. Je vais parfois marcher le long de la Seine en espérant croiser Paul ou Sophie par hasard. J’ai écrit une lettre à mon fils :
« Paul,
Je sais que je t’ai blessé. Je ne cherche pas d’excuses. J’aimerais juste pouvoir te parler un jour, te dire que tu comptes plus que tout pour moi. »
Je n’ai jamais reçu de réponse.
Parfois, je repense à ces choix qui ont tout bouleversé. Était-ce la peur de vieillir ? L’illusion qu’on peut recommencer sa vie comme on change de chemise ? Aujourd’hui, je sais que le bonheur se construit dans l’imperfection du quotidien, pas dans l’éclat trompeur du nouveau.
Je regarde la pluie tomber sur Paris et je me demande : combien sommes-nous à fuir ce que nous avons construit pour courir après des chimères ? Est-il trop tard pour réparer ce qui a été brisé ?
Et vous… avez-vous déjà regretté un choix au point d’en perdre le sommeil ?