Mon mari refuse de travailler avec mon père, mais ne trouve pas de bon emploi : notre famille s’effondre
— Tu ne comprends donc pas, Camille ? Je préfère crever que d’aller supplier ton père pour un boulot !
La voix de François résonne encore dans la cuisine, tranchante comme un couteau. Je serre la tasse de café entre mes mains tremblantes, le regard fixé sur la fenêtre embuée. Dehors, la pluie martèle les pavés de notre petite rue nantaise. Trois ans déjà que François a quitté son poste chez Renault, trois ans que je porte seule le poids du quotidien. Il n’a jamais supporté l’arrivée de ce nouveau chef, un certain Monsieur Lefèvre, qui l’a humilié devant toute l’équipe et réduit son salaire sans explication. Depuis, il enchaîne les petits boulots : livreur Uber Eats, intérim dans des entrepôts, rien de stable. Et moi, je m’épuise à l’hôpital, multipliant les gardes pour payer le loyer et les courses.
Mon père, Gérard, tient une petite entreprise de plomberie à Rezé. Il a proposé plusieurs fois à François de le rejoindre. « Il est sérieux, il apprend vite », a-t-il dit devant toute la famille lors du dernier repas du dimanche. Mais François a refusé net, le visage fermé : « Je ne veux pas être le gendre pistonné. »
La tension est devenue insupportable à la maison. Notre fils Lucas, 8 ans, commence à poser des questions :
— Pourquoi papa ne travaille plus avec les voitures ?
Je n’ai pas su quoi répondre. Comment expliquer à un enfant que son père est prisonnier de sa fierté ?
Un soir, alors que je rentre tard du service, je trouve François assis dans le noir, une lettre à la main. Il vient d’être recalé pour un poste chez Airbus. Je m’assieds à côté de lui.
— On ne peut pas continuer comme ça, François…
Il détourne les yeux.
— Tu veux que je devienne l’assistant de ton père ? Que tout le monde pense que je suis incapable de trouver un vrai boulot ?
— Ce n’est pas une question d’orgueil ! On a besoin d’argent… Lucas a besoin de stabilité !
Il se lève brusquement et quitte la pièce. Je reste seule avec ma colère et ma tristesse.
Les semaines passent. Les factures s’accumulent. Mon père insiste :
— Camille, il faut que tu lui parles. Je peux lui apprendre le métier, il pourrait même reprendre l’entreprise un jour !
Mais chaque tentative se solde par une dispute.
Un samedi matin, alors que je prépare le petit-déjeuner, Lucas entre dans la cuisine en pleurant.
— À l’école, ils disent que papa est fainéant…
Mon cœur se brise. Je serre mon fils contre moi.
Le soir même, j’affronte François :
— Tu ne vois pas ce que ça fait à Lucas ? À moi ? On s’épuise tous les deux !
Il me regarde enfin dans les yeux, les siens rougis par la fatigue et la honte.
— J’ai peur de décevoir ton père… J’ai peur qu’il me regarde comme un raté.
Je prends sa main.
— Ce qui compte, c’est notre famille. Pas ce que pensent les autres.
Après une longue nuit blanche, François accepte enfin de rencontrer mon père pour discuter. Le rendez-vous est tendu. Mon père pose ses conditions :
— Ici, tu es comme tout le monde. Pas de traitement de faveur. Mais si tu travailles bien, tu auras ta place.
François acquiesce en silence.
Les premiers jours sont difficiles. Il rentre épuisé, couvert de poussière et d’ampoules aux mains. Mais peu à peu, il apprend le métier. Mon père commence à lui faire confiance. À la maison, l’ambiance s’apaise doucement.
Un soir d’été, alors que nous dînons sur le balcon, François me confie :
— Je croyais que j’allais perdre ma dignité… Mais j’ai retrouvé ma fierté en travaillant honnêtement.
Je souris à travers mes larmes.
Mais parfois je me demande : pourquoi en France est-ce si difficile d’accepter l’aide de sa famille ? L’orgueil vaut-il vraiment plus que le bonheur des siens ? Qu’en pensez-vous ?