Le secret de ma fille : Jusqu’où va l’amour d’une mère ?
— Maman, il faut que je te dise quelque chose…
La voix de Camille tremblait, et je sentais déjà mon cœur se serrer. Elle n’était pas censée être là, un mardi après-midi. J’avais à peine eu le temps de poser mon sac de courses que je l’ai vue, debout dans l’entrée, les yeux rougis, le manteau encore sur les épaules. Je me suis figée, la main sur la poignée de la porte, sentant que quelque chose d’irréversible était sur le point de se produire.
— Qu’est-ce qu’il se passe, ma chérie ?
Elle a hésité, cherchant ses mots, puis s’est effondrée sur le canapé. Je me suis assise à côté d’elle, posant ma main sur la sienne. Elle a pris une grande inspiration, et d’une voix brisée, elle a lâché :
— J’ai trompé Thomas.
Le silence s’est abattu dans le salon, lourd, presque palpable. J’ai senti mon souffle se couper. Ma fille, celle que j’avais élevée avec tant de principes, venait de m’avouer l’impensable. J’ai cherché ses yeux, mais elle les fuyait, fixant le tapis comme si elle espérait y trouver une issue.
— Camille… pourquoi ?
Elle a éclaté en sanglots. Je l’ai prise dans mes bras, sentant ses épaules secouées par la honte et la peur. J’aurais voulu la rassurer, lui dire que tout irait bien, mais je ne savais pas quoi penser. Thomas était un homme bien, un gendre que j’aimais presque comme un fils. Leur mariage avait toujours semblé solide, du moins en apparence.
— Je ne sais pas, maman… Je me sens vide depuis des mois. Thomas est toujours au travail, il ne me regarde plus comme avant. Et puis il y a eu ce collègue… C’était une erreur, je le sais. Mais maintenant, je ne sais plus quoi faire.
Je l’ai serrée plus fort. Mon instinct de mère me criait de la protéger, de lui dire que tout s’arrangerait. Mais une autre voix, plus dure, me rappelait que l’infidélité n’était pas une simple erreur. J’ai pensé à mon propre mariage avec Jean-Pierre, à toutes les fois où j’avais douté, mais jamais franchi cette ligne.
— Tu comptes lui dire ?
Camille a secoué la tête, paniquée.
— Non ! Je ne veux pas le perdre, maman. Je l’aime, malgré tout. Mais je ne peux pas vivre avec ce secret…
Je me suis levée, faisant les cent pas dans le salon. Les souvenirs de mon enfance me sont revenus : ma propre mère, si sévère, qui n’aurait jamais toléré un tel aveu. J’ai toujours voulu être différente, plus compréhensive. Mais là, je ne savais plus.
— Tu sais, Camille, parfois, aimer quelqu’un, c’est aussi accepter ses faiblesses. Mais il faut aussi assumer ses choix. Tu ne peux pas continuer comme ça, à te ronger de l’intérieur.
Elle m’a regardée, les yeux pleins d’espoir et de peur.
— Tu crois que je dois tout lui dire ?
J’ai hésité. Si elle avouait tout à Thomas, leur vie pouvait voler en éclats. Mais garder ce secret, c’était condamner Camille à vivre dans le mensonge. Je me suis sentie piégée entre deux amours : celui pour ma fille, et celui pour la vérité.
Le soir venu, Jean-Pierre est rentré. Il a tout de suite senti la tension. Camille s’est enfermée dans sa chambre d’adolescente, comme autrefois. Je me suis retrouvée seule avec mon mari dans la cuisine.
— Elle va bien ?
— Non… Elle traverse une période difficile.
Je n’ai rien dit de plus. Ce n’était pas mon secret à révéler. Mais je sentais le poids du mensonge s’installer chez nous, comme une ombre qui s’étendait sur chaque recoin de la maison.
Les jours suivants, Camille est restée à la maison. Elle ne mangeait presque pas, passait ses journées à regarder par la fenêtre ou à pleurer dans sa chambre. Je faisais tout pour la soutenir, mais je voyais bien que je ne pouvais pas porter ce fardeau à sa place.
Un soir, alors que je préparais le dîner, elle est venue me voir dans la cuisine.
— Maman, je crois que je vais rentrer chez moi. Je dois affronter Thomas. Je ne peux pas continuer comme ça.
J’ai senti un mélange de fierté et d’inquiétude. Elle avait pris sa décision. Je l’ai serrée dans mes bras une dernière fois avant son départ.
— Quoi qu’il arrive, je serai toujours là pour toi.
Elle a souri faiblement, puis est partie dans la nuit. Je suis restée seule dans la cuisine, les mains tremblantes, me demandant si j’avais fait ce qu’il fallait.
Depuis ce jour, rien n’a plus jamais été comme avant. Camille et Thomas traversent une crise profonde. Notre famille a été secouée, nos certitudes ébranlées. Mais au fond de moi, je me demande encore :
Est-ce vraiment cela, aimer son enfant ? Jusqu’où doit-on aller pour le protéger ? Et vous, qu’auriez-vous fait à ma place ?