Sous le même toit : le retour qui a tout bouleversé

« Tu ne comprends donc pas que ta présence ici détruit tout ? » La voix de Julien résonne dans le salon, sèche, tranchante. Je serre la tasse de café entre mes mains tremblantes, cherchant un regard de soutien chez Camille. Ma sœur détourne les yeux, les lèvres pincées. Je sens la colère monter, mais aussi une tristesse immense. Comment en sommes-nous arrivés là ?

Il y a trois semaines à peine, je débarquais dans leur appartement de Lyon, valise à la main et cœur lourd. Après la rupture avec mon compagnon et la perte de mon emploi, j’avais cru trouver refuge auprès de ma famille. Camille avait insisté : « Bien sûr que tu viens chez nous, tu es ma sœur ! » Mais dès le premier soir, j’ai senti une tension étrange. Julien m’a accueillie poliment, sans chaleur. Je me suis dit qu’il lui faudrait du temps.

Les jours ont passé, et la routine s’est installée. Je faisais de mon mieux pour ne pas déranger : je rangeais, je cuisinais parfois, je sortais pour laisser de l’espace. Mais chaque soir, à table, les silences s’allongeaient. Julien posait son couteau avec agacement dès que je parlais trop longtemps avec Camille. Un soir, il a claqué la porte de la chambre sans un mot.

Un samedi matin, alors que Camille préparait des crêpes, Julien a explosé : « Tu passes plus de temps avec elle qu’avec moi ! On dirait qu’on n’existe plus ! » Camille a tenté de le rassurer, mais il est parti en claquant la porte. J’ai voulu m’excuser, mais elle m’a coupée : « Ce n’est pas ta faute… Il est fatigué, c’est tout. »

Mais les disputes se sont multipliées. Un soir, j’ai surpris une conversation à voix basse dans leur chambre :
— Elle doit partir, Camille. Je n’en peux plus.
— C’est ma sœur ! Elle n’a nulle part où aller.
— Et moi ? Tu penses à moi ?

Je me suis sentie de trop, comme une intruse dans leur intimité. Pourtant, Camille venait souvent me parler le soir, assise sur mon lit : « Tu sais, Julien n’a jamais vraiment accepté que je sois si proche de toi… Il est jaloux de notre complicité. » Je ne savais plus quoi faire : partir pour apaiser les choses ou rester pour ne pas abandonner ma sœur.

Un dimanche soir, tout a explosé. Julien est rentré plus tôt du travail et nous a trouvées en train de rire devant un vieux film. Il a jeté ses clés sur la table : « C’est bon, j’en ai marre ! Soit elle part, soit c’est moi qui pars ! » Camille s’est levée d’un bond : « Arrête ! Tu ne vois pas qu’elle a besoin de nous ? »

La nuit suivante, je n’ai pas fermé l’œil. J’entendais leurs voix monter dans la chambre voisine. Le lendemain matin, Julien avait fait sa valise. Il m’a lancé un regard dur : « Tu as tout gâché. »

Camille est restée prostrée sur le canapé toute la journée. Je me suis sentie coupable comme jamais. Avais-je vraiment détruit leur couple ? Ou bien étais-je simplement le révélateur d’un malaise plus profond ?

J’ai tenté d’appeler Julien pour m’excuser, mais il n’a pas répondu. Camille m’a serrée dans ses bras en pleurant : « Ce n’est pas ta faute… On avait déjà des problèmes avant… Mais maintenant tout est plus compliqué. »

Depuis ce jour, l’appartement est silencieux. Camille et moi évitons le sujet, mais la tension flotte dans l’air comme un nuage noir. Je cherche du travail pour partir au plus vite, mais je redoute de laisser ma sœur seule face à ses propres démons.

Parfois je me demande : aurais-je dû refuser son aide et affronter mes galères seule ? Peut-on vraiment être trop proche de sa famille au point d’en briser l’équilibre ?

Et vous, à ma place… que feriez-vous ? Est-ce égoïste de vouloir être soutenue par ceux qu’on aime ?