Quand l’amour fait mal : Histoire d’un mariage, de l’orgueil et d’un malentendu entre mère et fille
« Tu n’as vraiment rien compris, maman ! »
La voix de Camille résonne encore dans ma tête, tranchante, pleine de reproches. Nous sommes dans la cuisine, la veille de son mariage, et je la regarde, debout devant moi, les bras croisés, les yeux brillants de larmes contenues. Je serre la petite enveloppe blanche dans ma main, celle que j’ai glissée dans sa poche tout à l’heure, pensant lui faire plaisir. Mais elle l’a ouverte devant moi, a compté les billets, puis m’a lancé ce regard blessé, presque méprisant.
« Tu sais combien tout ça coûte ? Tu sais ce que les parents de Thomas lui ont donné ? »
Je sens mon cœur se serrer. J’ai envie de lui hurler que oui, je sais. Que j’ai passé des mois à organiser cette réception, à négocier avec le traiteur, à choisir chaque fleur, chaque ruban, chaque détail pour que ce jour soit parfait. Que j’ai vidé mon livret A, que j’ai même emprunté à ma sœur pour que Camille ait le mariage dont elle rêvait, dans ce château en Bourgogne, avec cent cinquante invités, un orchestre, des feux d’artifice. Mais je n’arrive pas à parler. Je me contente de baisser les yeux, honteuse, épuisée.
Camille continue, la voix tremblante : « Je ne comprends pas pourquoi tu fais toujours tout à moitié. Tu veux qu’on ait l’air de quoi, devant la famille de Thomas ? »
Je voudrais lui dire que l’amour ne se mesure pas en euros, que le vrai cadeau, c’est tout ce que j’ai sacrifié pour elle. Mais je me tais. Je me souviens de ma propre mère, qui n’a jamais pu m’offrir un mariage, qui m’a appris à me contenter de peu. Est-ce que j’ai échoué à transmettre cela à ma fille ?
Le lendemain, tout le monde sourit. Les invités s’extasient devant la beauté du lieu, la finesse du repas, la robe de Camille. Mais moi, je me sens invisible. Je souris, je serre des mains, je félicite, mais à l’intérieur, je suis brisée. Je croise le regard de ma sœur, qui comprend tout sans un mot. Elle me serre la main sous la table. « Laisse-la, elle comprendra un jour », murmure-t-elle.
Mais la fête avance, et Camille ne vient pas vers moi. Elle danse, rit avec ses amis, embrasse Thomas, mais m’évite. Je la regarde, si belle, si heureuse en apparence, et je me demande où j’ai failli. Est-ce que j’ai trop donné ? Pas assez ?
Le soir, après le feu d’artifice, je la retrouve seule dans le jardin, assise sur un banc. Je m’approche, hésitante. Elle ne me regarde pas. Je m’assieds à côté d’elle, le silence entre nous est lourd, presque insupportable.
« Camille… »
Elle soupire. « Je voulais juste que tu sois fière de moi. »
Je sens mes yeux s’embuer. « Je le suis, Camille. Plus que tu ne peux l’imaginer. »
Elle tourne enfin la tête vers moi. « Alors pourquoi tu ne me le dis jamais ? Pourquoi c’est toujours… compliqué ? »
Je prends une grande inspiration. « Parce que j’ai peur de ne pas être à la hauteur. Parce que je veux tout te donner, mais je ne peux pas toujours. »
Elle baisse les yeux. « Je suis désolée, maman. J’ai été injuste. »
Je pose ma main sur la sienne. « On fait toutes des erreurs. »
Un silence, puis elle sourit timidement. « Tu crois qu’on pourra recommencer ? »
Je ris à travers mes larmes. « On recommence chaque jour, ma chérie. »
Mais au fond de moi, la blessure reste. Je me demande si un jour, nos enfants comprendront vraiment ce que nous avons sacrifié pour eux. Est-ce que l’amour d’une mère suffit à combler tous les malentendus ? Est-ce que le temps finira par guérir cette douleur sourde ?
Et vous, avez-vous déjà eu l’impression que l’amour ne suffisait pas ?