Quand la confiance se brise : l’histoire de ma cousine et moi

« Tu me prends vraiment pour une idiote, Camille ? » Ma voix tremble, plus de colère que de tristesse. Je tiens dans ma main le bracelet en or de ma mère, retrouvé au fond du sac de ma cousine. Elle me regarde, les yeux écarquillés, la bouche entrouverte, incapable de prononcer un mot. Le silence s’installe, lourd, oppressant, seulement brisé par le tic-tac de l’horloge du salon.

Je n’aurais jamais cru en arriver là. Il y a six mois à peine, j’ouvrais grand la porte de mon appartement à Camille. Elle venait de perdre son emploi à Lyon, son copain l’avait quittée, et elle n’avait plus un sou. « Je ne sais pas où aller, Lucie… » m’avait-elle dit au téléphone, la voix cassée par les sanglots. Comment aurais-je pu refuser ? Nous avions grandi ensemble à Nantes, partagé nos secrets d’adolescentes, ri aux éclats lors des repas de famille interminables chez Mamie Jeanne. Pour moi, la famille passait avant tout.

Au début, tout semblait simple. Camille s’occupait du dîner pendant que je rentrais tard du travail à la médiathèque. Elle me racontait ses journées passées à chercher un emploi, ses entretiens ratés, ses espoirs déçus. Je la soutenais comme je pouvais : « Tu vas rebondir, tu es forte. » Elle souriait timidement, me remerciait d’un regard reconnaissant. J’étais fière d’être cette cousine sur qui on peut compter.

Mais peu à peu, des détails ont commencé à m’inquiéter. Des billets de vingt euros disparaissaient de mon portefeuille. Une bouteille de parfum offerte par mon ex avait mystérieusement disparu. Je me suis dit que je devenais paranoïaque, que c’était sûrement moi qui avais mal rangé mes affaires. Après tout, Camille était de la famille.

Un soir d’avril, alors que je rentrais plus tôt que prévu, j’ai surpris Camille dans ma chambre. Elle fouillait dans mon tiroir à bijoux. Elle a sursauté en me voyant : « Oh, je cherchais juste un élastique pour attacher mes cheveux… » J’ai voulu la croire. J’ai voulu croire que le sang du même clan nous protégeait de ce genre de trahison.

Mais ce matin-là, en cherchant mon bracelet préféré pour aller au travail, j’ai compris que quelque chose clochait. Je l’avais vu sur ma commode la veille au soir. J’ai fouillé partout, sans succès. Un mauvais pressentiment m’a poussée à fouiller dans les affaires de Camille. Et là, au fond de son sac à dos, entre une trousse de maquillage et une vieille écharpe, j’ai retrouvé le bracelet.

La confrontation a été brutale. Camille a nié d’abord : « Ce n’est pas ce que tu crois ! » Puis elle a fondu en larmes : « Je suis désolée… Je voulais juste… Je ne sais pas ce qui m’a pris… »

Je me suis assise sur le canapé, vidée. « Pourquoi tu as fait ça ? On est de la même famille… » Elle a haussé les épaules, incapable de soutenir mon regard. « Je me sentais tellement nulle… Tu as tout réussi dans ta vie, Lucie. Moi je n’ai rien… Je voulais juste avoir quelque chose à moi… »

Les jours suivants ont été un enfer. J’ai hésité à en parler à mes parents, mais la honte m’a paralysée. Comment avouer que j’avais été trahie par ma propre cousine ? Que j’avais été assez naïve pour ne rien voir venir ?

Camille a quitté l’appartement deux jours plus tard. Elle a laissé une lettre sur la table basse : « Pardon Lucie. Je ne mérite pas ta gentillesse. » Depuis, plus de nouvelles.

Je me retrouve seule avec mes doutes et mes questions. Est-ce ma faute ? Ai-je trop fait confiance ? Ou est-ce la société qui nous pousse à l’individualisme au point d’oublier les liens du sang ?

Aujourd’hui encore, je regarde le bracelet et je me demande : peut-on vraiment pardonner une telle trahison ? Et vous, qu’auriez-vous fait à ma place ?