Mon fils veut épouser la voisine : le combat d’une mère pour le bonheur de son enfant

— Tu ne comprends pas, maman ! Je l’aime, c’est tout !

La voix de Julien résonne encore dans le couloir, claquant contre les murs de notre appartement du troisième étage à Nantes. Je reste figée, la main crispée sur la poignée de la porte, le cœur battant à tout rompre. Comment en sommes-nous arrivés là ?

Depuis quarante-trois ans, j’ai attendu ce rôle de mère. Après tant d’années de traitements, d’espoirs déçus et de nuits blanches à prier pour un miracle, Julien est arrivé comme un cadeau inespéré. Il est devenu le centre de mon univers, ma raison de me lever chaque matin. J’ai tout sacrifié pour lui : ma carrière dans l’administration, mes amitiés, parfois même ma santé. Alors, quand il m’a annoncé qu’il voulait épouser Claire, la fille des voisins du dessus, j’ai senti le sol se dérober sous mes pieds.

Claire… Je la connais depuis qu’elle est petite. Toujours polie, souriante, mais aussi secrète, distante. Sa mère, Madame Lefèvre, n’a jamais caché son mépris pour moi, la « mère tardive », celle qui n’a pas su « faire sa vie à temps ». J’ai toujours craint que cette famille ne soit pas faite pour nous.

— Tu ne vois donc pas qui elle est vraiment ? ai-je lancé à Julien ce soir-là, la voix tremblante.
— Arrête, maman ! Ce n’est pas parce que tu ne l’aimes pas qu’elle n’est pas faite pour moi !

Il a claqué la porte de sa chambre. J’ai entendu ses sanglots étouffés à travers le mur. Mon cœur s’est brisé une seconde fois.

Les jours suivants ont été un calvaire. Julien évitait mon regard. Il rentrait tard, passait des heures au téléphone avec Claire. Je me suis surprise à fouiller dans ses affaires, à chercher des indices, des preuves que cette histoire n’était qu’une passade. Mais tout ce que j’ai trouvé, ce sont des lettres d’amour maladroites et sincères.

Un soir, alors que je préparais le dîner — une blanquette de veau comme il l’aimait tant enfant — il est entré dans la cuisine.

— Maman… Je veux que tu viennes dîner chez les Lefèvre samedi. Claire veut te parler.

J’ai failli laisser tomber la casserole. Dîner chez les Lefèvre ? Avec cette femme qui m’a toujours regardée de haut ?

Le samedi soir est arrivé trop vite. J’ai mis ma plus belle robe, celle que je portais lors du baptême de Julien. En montant les escaliers, j’avais l’impression d’aller au supplice.

La porte s’est ouverte sur Claire, radieuse dans une robe bleu pâle. Son sourire était timide mais sincère.

— Bonsoir Madame Martin… Merci d’être venue.

Le repas a été tendu. Madame Lefèvre lançait des piques à peine voilées sur « les familles monoparentales » et « l’éducation moderne ». Monsieur Lefèvre restait silencieux, les yeux rivés sur son assiette. Julien serrait la main de Claire sous la table.

À la fin du repas, Claire a pris la parole :

— Madame Martin… Je sais que vous avez des doutes sur moi. Mais je vous aime comme j’aime Julien. Je veux construire quelque chose avec lui… et avec vous aussi.

J’ai senti les larmes monter. Personne ne m’avait jamais parlé ainsi. Mais la peur restait là : peur de perdre mon fils, peur qu’il s’éloigne à jamais.

Les semaines ont passé. Julien et Claire ont commencé à parler mariage sérieusement. Ils voulaient une cérémonie simple à la mairie du quartier, entourés seulement de quelques proches. J’ai tenté une dernière fois de convaincre Julien :

— Tu es sûr de toi ? Tu n’es pas trop jeune ?
— Maman… J’ai vingt-trois ans. Tu m’as appris à aimer et à choisir ce qui compte vraiment pour moi.

Ses mots m’ont frappée en plein cœur. Avais-je vraiment confiance en lui ? Ou étais-je simplement terrifiée à l’idée qu’il n’ait plus besoin de moi ?

La veille du mariage, je n’ai pas dormi. J’ai repensé à toutes ces années où j’ai voulu le protéger du monde entier. Mais peut-on protéger un enfant contre sa propre vie ?

Le jour J, devant la mairie, j’ai vu Julien attendre Claire sous un ciel gris typiquement nantais. Il avait l’air heureux comme jamais. Quand il m’a vue arriver, il a couru vers moi et m’a serrée dans ses bras.

— Merci d’être là, maman.

J’ai compris alors que je ne perdais pas mon fils : je gagnais une fille.

Mais au fond de moi, une question demeure : ai-je eu raison de lâcher prise ? Ou ai-je simplement cédé par peur d’être seule ?

Et vous… jusqu’où seriez-vous prêts à aller pour le bonheur de vos enfants ?