Ma fille m’a confié son fils pendant son hospitalisation : les secrets de famille qui ont bouleversé ma vie

— Maman, il faut que tu viennes tout de suite. Je… je dois aller à l’hôpital. Tu peux t’occuper de Louis ?

La voix de Camille tremblait au téléphone. J’ai senti mon cœur se serrer. Il était 22h, Bernard dormait déjà dans la chambre voisine. Sans réfléchir, j’ai attrapé mon manteau et mes clés. Louis, mon petit-fils de six ans, m’attendait dans l’appartement que nous avions acheté pour Camille il y a deux ans, à Nanterre. Je croyais tout savoir de la vie de ma fille. J’étais loin du compte.

En arrivant, j’ai trouvé Camille pâle, les yeux cernés, tenant Louis contre elle comme une bouée de sauvetage. Elle a murmuré :

— Je t’expliquerai plus tard… Prends soin de lui, s’il te plaît.

Elle a embrassé son fils à la hâte et a disparu dans la nuit, emportée par le taxi de l’hôpital. Louis s’est accroché à moi sans un mot. Je l’ai couché, puis je me suis assise dans le salon silencieux. Quelque chose clochait. L’appartement était en désordre, des factures traînaient sur la table basse, certaines ouvertes, d’autres non. Une lettre du collège de Louis dépassait d’un sac : « Absences répétées ».

Le lendemain matin, Louis s’est réveillé en pleurant.

— Maman va revenir ?

— Bien sûr, mon chéri. Elle doit juste se reposer un peu à l’hôpital.

Mais au fond de moi, je sentais que la situation était plus grave. J’ai appelé Bernard pour lui expliquer. Il a soupiré :

— Tu sais bien que Camille ne nous dit jamais tout… Essaie d’en savoir plus.

J’ai passé la journée à ranger l’appartement. Dans la chambre de Camille, j’ai trouvé un carnet caché sous un tas de linge. J’ai hésité avant de l’ouvrir. Mais la curiosité et l’inquiétude ont été plus fortes.

« 12 mars : Je n’en peux plus. Paul rentre tard tous les soirs. Il crie sur Louis pour un rien. Je me sens seule… »

Paul ? Son compagnon ? Camille ne m’avait jamais parlé de disputes ou de cris à la maison. Plus loin :

« 28 mars : J’ai peur pour Louis. Il a fait pipi au lit après que Paul l’a grondé. Je me sens coupable de ne pas réussir à protéger mon fils… »

J’ai refermé le carnet, bouleversée. Comment avais-je pu ignorer la souffrance de ma propre fille ?

Le soir même, Paul est arrivé sans prévenir. Il a frappé fort à la porte.

— Où est Camille ? Pourquoi elle ne répond pas à mes messages ?

Son ton était sec, agressif. Louis s’est caché derrière moi.

— Elle est à l’hôpital. Je garde Louis jusqu’à son retour.

Il a haussé les épaules, jeté un regard noir à son fils et est reparti sans un mot pour lui.

Les jours suivants ont été tendus. Louis refusait d’aller à l’école. Il faisait des cauchemars la nuit et se réveillait en hurlant « Non ! ». J’ai tenté d’appeler Camille, mais elle ne répondait pas.

Un soir, alors que je préparais le dîner, Bernard m’a appelée :

— Tu ne trouves pas qu’on aurait dû voir venir tout ça ? On a toujours voulu protéger Camille… Peut-être qu’on l’a trop couvée.

Je n’ai rien répondu. Je repensais à toutes ces fois où Camille avait souri en disant « Tout va bien », alors que son regard disait le contraire.

Après une semaine d’angoisse, Camille m’a enfin appelée depuis l’hôpital.

— Maman… Je suis désolée de t’avoir tout caché. J’avais honte… Paul a changé depuis qu’il a perdu son travail. Il boit trop, il s’énerve pour rien… Je n’arrive plus à gérer.

Sa voix était brisée par les sanglots.

— Pourquoi tu ne nous as rien dit ?

— Je ne voulais pas vous inquiéter… Et puis, tu sais comment est Paul avec toi… Il fait toujours bonne figure devant vous.

J’ai senti une colère sourde monter en moi : contre Paul, contre moi-même aussi pour n’avoir rien vu.

Camille est sortie de l’hôpital deux semaines plus tard. Elle avait maigri, ses yeux étaient éteints. Ensemble, nous avons parlé longuement. Elle a accepté d’aller voir une assistante sociale et un psychologue avec Louis.

Paul a tenté de revenir plusieurs fois, mais cette fois-ci, Camille a tenu bon. Avec notre soutien et celui de ses amis, elle a entamé une procédure pour éloigner Paul du foyer.

Aujourd’hui encore, je me demande comment une famille peut cacher autant de douleur derrière des apparences parfaites. Comment ai-je pu passer à côté du mal-être de ma propre fille ?

Parfois, je regarde Louis jouer dans le salon et je me dis : « Est-ce qu’on peut vraiment protéger ceux qu’on aime du malheur ? Ou doit-on accepter qu’ils aient leurs propres batailles à mener ? »