Les Ombres du Mariage : Surmonter le Favoritisme Familial au Mariage d’Élise
« Tu pourrais au moins sourire, Camille. C’est le mariage de ta sœur, pas ton enterrement. » La voix de ma mère, Laurence, me transperce alors que je tente de masquer mon malaise derrière un verre de champagne. Autour de moi, la salle des fêtes de la mairie du 14e arrondissement bourdonne d’excitation. Les nappes blanches, les bouquets de pivoines, les éclats de rire… tout devrait être parfait. Mais je sens une boule dans ma gorge, un poids sur ma poitrine.
Élise rayonne dans sa robe ivoire, entourée de ses amies qui la couvrent de compliments. Philippe, mon beau-père, ne la quitte pas des yeux. Il rit à toutes ses blagues, ajuste sa traîne, lui glisse des mots doux à l’oreille. Je me souviens du jour où il est entré dans nos vies, alors que j’avais à peine huit ans. Mon père biologique, Marc, était déjà un souvenir flou, une ombre sur quelques photos jaunies. Philippe a tout fait pour m’intégrer, pour m’aimer comme sa propre fille. Mais aujourd’hui, je ne peux m’empêcher de remarquer à quel point il préfère Élise.
« Camille, viens faire une photo avec nous ! » crie Élise depuis la piste de danse. Je force un sourire et m’approche. Philippe me prend par l’épaule, mais son regard glisse aussitôt vers Élise. « Ma princesse, tu es magnifique », murmure-t-il en l’embrassant sur le front. Je me sens invisible.
Le repas s’éternise. Les discours s’enchaînent. Philippe se lève pour porter un toast à « sa fille adorée ». Je sens mes joues brûler. Ma mère me lance un regard inquiet. Je détourne les yeux et sors prendre l’air sur le parvis.
La nuit est douce. Paris bruisse au loin. J’entends des pas derrière moi. C’est Philippe.
— Camille… tu vas bien ?
Je ravale mes larmes.
— Oui, ça va.
Il s’approche, hésite.
— Tu sais… je suis désolé si tu t’es sentie mise à l’écart aujourd’hui.
Je le fixe, la gorge serrée.
— Ce n’est pas qu’aujourd’hui, Philippe. J’ai toujours eu l’impression qu’Élise comptait plus pour toi.
Il soupire, passe une main dans ses cheveux grisonnants.
— Ce n’est pas vrai… Enfin… Peut-être que je n’ai pas su te montrer à quel point tu comptes pour moi.
Un silence lourd s’installe. Je sens la colère monter.
— Tu ne comprends pas… Quand papa est parti, j’avais besoin que quelqu’un me voie, moi aussi. Pas seulement Élise.
Il s’approche encore et pose une main hésitante sur mon épaule.
— Camille… Je t’ai aimée comme ma propre fille. Mais j’ai eu peur de mal faire, peur de prendre trop de place…
Je fonds en larmes. Tous ces non-dits me submergent.
— J’aurais juste voulu que tu me dises que j’étais importante pour toi…
Il me serre dans ses bras. Pour la première fois depuis longtemps, je me laisse aller contre lui.
— Tu es importante pour moi, Camille. Je suis fier de toi. Je suis désolé si je ne te l’ai pas assez dit.
Je respire enfin. Les lumières de la salle brillent derrière nous. J’entends Élise rire au loin. Je réalise que ce mariage n’est pas seulement le sien ; c’est aussi une nouvelle étape pour notre famille.
Plus tard dans la soirée, alors que tout le monde danse sur « La Vie en rose », Élise me rejoint.
— Tu sais, Camille… Papa t’aime autant que moi. Il est juste maladroit parfois.
Je souris à travers mes larmes.
— Je sais… Merci Élise.
Nous nous prenons dans les bras au milieu de la piste. Les rancœurs s’effacent peu à peu dans la chaleur des retrouvailles.
En rentrant chez moi cette nuit-là, je repense à tout ce qui s’est passé. Est-ce qu’on guérit vraiment des blessures d’enfance ? Ou apprend-on simplement à vivre avec ? Peut-on aimer sans jamais blesser ? Qu’en pensez-vous ?