« Le Verger Déclinant »
Jacques et Émilie se tenaient au bord du verger, les arbres autrefois vibrants n’étant plus qu’un enchevêtrement de branches et de mauvaises herbes. Leur grand-mère avait toujours parlé avec tendresse du verger, un lieu où elle passait son enfance à cueillir des pommes et à faire du cidre. Mais après son décès, le verger avait été laissé à l’abandon, succombant lentement à la négligence.
Les frères et sœurs avaient hérité de la terre avec des sentiments mitigés. Jacques, citadin peu intéressé par l’agriculture, le voyait comme un fardeau. Émilie, en revanche, était attirée par l’idée de redonner vie au verger, y voyant un moyen d’honorer la mémoire de leur grand-mère. Malgré leurs points de vue divergents, ils décidèrent d’essayer.
Leur première visite fut accablante. Les arbres étaient envahis, le sol jonché de branches tombées et de fruits pourrissants. L’air était lourd de l’odeur de la décomposition. Jacques soupira lourdement, « Ça va prendre une éternité. »
Émilie, toujours optimiste, répondit : « On peut y arriver. Il nous faut juste un plan. »
Ils passèrent les semaines suivantes à faire des recherches et à rassembler des outils. Émilie se jeta corps et âme dans le travail, taillant les branches et déblayant les débris. Jacques aidait à contrecœur, son enthousiasme diminuant chaque jour. Le travail physique était épuisant et les progrès lents.
Alors que l’été cédait la place à l’automne, les tensions entre les frères et sœurs commencèrent à monter. Jacques était frustré par l’optimisme inébranlable d’Émilie et son insistance à faire les choses « comme il faut ». Il voulait prendre des raccourcis, embaucher de l’aide ou même vendre la terre. Émilie l’accusa de ne pas se soucier de l’héritage de leur grand-mère.
Une dispute particulièrement houleuse se termina par le départ précipité de Jacques, laissant Émilie seule dans le verger. Elle s’assit sous l’un des arbres noueux, les larmes coulant sur son visage. Le poids de la tâche à venir semblait insurmontable.
Les jours se transformèrent en semaines, et les visites de Jacques devinrent moins fréquentes. Émilie continua à travailler seule, mais sa détermination faiblissait. Le verger semblait se rebeller à chaque instant ; des parasites envahirent les arbres et une gelée précoce endommagea les maigres progrès qu’elle avait réalisés.
Un froid matin de novembre, Émilie reçut un appel de Jacques. Il avait décidé de retourner définitivement en ville. « Je suis désolé, » dit-il d’une voix distante. « Je ne peux plus faire ça. »
Émilie raccrocha le téléphone, ressentant une profonde perte. Elle erra une dernière fois dans le verger, ses pas crissant sur le sol givré. Les arbres se dressaient silencieux et nus, leurs branches tendues comme des doigts squelettiques.
À cet instant, Émilie comprit que certaines choses ne pouvaient pas être sauvées. Le verger était une relique du passé, un souvenir qui ne pouvait être ravivé peu importe ses efforts. Elle jeta un dernier regard sur la terre avant de s’éloigner, laissant derrière elle les rêves de ce qui aurait pu être.