Le Choix de Mathieu
« Mathieu, tu dois comprendre que c’est pour le bien de la famille, » dit mon père d’une voix ferme mais douce, comme s’il essayait de me convaincre autant que lui-même. Je me tenais là, dans le salon, les bras croisés, le cœur battant à tout rompre. Je venais de découvrir que mon père, Pierre, avait décidé de vendre notre maison familiale sans en parler à ma mère, Claire.
Tout avait commencé un matin d’été, alors que je descendais pour prendre mon petit-déjeuner. J’avais entendu mon père parler au téléphone dans le bureau. Sa voix était basse mais pressante. « Oui, c’est décidé. Nous signerons les papiers la semaine prochaine. » Mon cœur s’était arrêté un instant. De quels papiers parlait-il ?
Je n’avais pas osé l’interrompre sur le moment. Mais plus tard dans la journée, alors que nous étions seuls dans le salon, je lui avais demandé directement : « Papa, de quoi parlais-tu au téléphone ce matin ? » Il avait hésité un instant avant de répondre : « Mathieu, je vais vendre la maison. »
La nouvelle m’avait frappé comme un coup de tonnerre. « Mais pourquoi ? Et maman, elle est au courant ? » avais-je demandé, la voix tremblante.
« Non, pas encore, » avait-il admis en évitant mon regard. « Je voulais lui en parler ce soir. Mais tu sais combien elle est attachée à cette maison… Je ne voulais pas l’inquiéter avant d’être sûr. »
Je savais combien ma mère aimait cette maison. C’était ici qu’elle avait grandi, qu’elle avait rencontré mon père, et qu’ils avaient décidé de fonder une famille. Chaque pièce racontait une histoire, chaque mur était imprégné de souvenirs.
Ce soir-là, j’avais observé ma mère pendant le dîner. Elle riait aux blagues de mon père, ignorant la tempête qui se préparait. Je me sentais coupable de garder ce secret, mais je ne pouvais pas trahir la confiance de mon père.
Après le repas, alors que ma mère faisait la vaisselle, mon père l’avait rejointe dans la cuisine. Je les avais suivis discrètement et j’avais entendu leur conversation.
« Claire, » avait commencé mon père d’une voix hésitante, « il faut que je te parle de quelque chose d’important. » Ma mère s’était retournée vers lui, un sourire sur les lèvres.
« Qu’est-ce qu’il y a ? » avait-elle demandé innocemment.
« Je pense qu’il est temps de vendre la maison, » avait-il dit rapidement, comme s’il voulait se débarrasser du poids de ces mots.
Le sourire de ma mère s’était figé. « Vendre la maison ? Mais pourquoi ? »
Mon père avait expliqué ses raisons : les dettes accumulées, les réparations coûteuses qui devenaient nécessaires… Mais je voyais dans les yeux de ma mère que ces arguments ne suffisaient pas à apaiser sa douleur.
« Pierre, cette maison est tout pour moi, » avait-elle murmuré en retenant ses larmes.
Je ne pouvais plus rester silencieux. « Papa, il doit y avoir une autre solution, » avais-je dit en entrant dans la cuisine.
Mon père m’avait regardé avec surprise. « Mathieu… »
« Non, écoutez-moi, » avais-je insisté. « Nous pouvons trouver un moyen de garder la maison. Peut-être que je peux trouver un travail cet été pour aider… »
Ma mère m’avait regardé avec gratitude et espoir. « Mathieu… tu ferais ça ? »
« Bien sûr, » avais-je répondu sans hésiter.
Mon père avait soupiré profondément. « Je ne veux pas que tu te sentes obligé de faire ça, » avait-il dit doucement.
Mais je savais que c’était plus qu’une obligation. C’était une promesse à ma mère, une promesse de préserver notre foyer et nos souvenirs.
Les jours suivants avaient été remplis de discussions et de compromis. Mon père avait finalement accepté de reporter la vente pour explorer d’autres options financières. J’avais trouvé un petit boulot dans un café du quartier pour contribuer aux dépenses.
Ma mère m’avait pris dans ses bras un soir et m’avait murmuré : « Merci, Mathieu. Tu ne sais pas combien cela compte pour moi. » Ses mots avaient réchauffé mon cœur et renforcé ma détermination.
Mais au fond de moi, je savais que ce n’était qu’une solution temporaire. La question restait : combien de temps pourrions-nous tenir ainsi ?
Et vous, que feriez-vous si vous deviez choisir entre vos rêves et ceux de votre famille ? »