La Voix dans la Chambre de Paul : Une Nuit qui a Tout Changé
« Paul, à qui tu parles ? » Ma voix tremble alors que je me penche dans l’embrasure de la porte de sa petite chambre, baignée d’une lumière bleutée par la veilleuse en forme de nuage. Mon fils de deux ans, assis dans son lit à barreaux, agite la main vers le babyphone posé sur l’étagère. Il sourit, comme s’il saluait un ami invisible. Mon cœur se serre.
Je referme doucement la porte, mon téléphone à la main, et retourne dans le salon. Je tente de reprendre ma conversation par SMS avec Camille, mais mes doigts hésitent sur l’écran. Depuis quelques semaines, je dors mal. Depuis le départ brutal de Julien, le père de Paul, tout me semble plus lourd. La solitude pèse, et chaque bruit dans l’appartement me fait sursauter.
Ce soir-là, pourtant, c’est différent. Il y a ce geste étrange de Paul. Je me force à sourire en pensant que c’est sûrement son imagination d’enfant. Mais une angoisse sourde s’installe. Je décide de vérifier les enregistrements du babyphone connecté, un modèle dernier cri offert par ma sœur pour me rassurer.
Minuit passé. Je m’installe sur le canapé, la tablette sur les genoux. Je rembobine la vidéo de la soirée. L’image est granuleuse mais claire : Paul joue avec sa peluche, puis soudain il se redresse et regarde fixement la caméra. Il agite la main. Et là…
Une voix. Une voix grave, rauque, presque métallique, résonne faiblement dans le micro : « Coucou Paul… »
Je sursaute, mon sang se glace. Je remets le passage plusieurs fois. Ce n’est pas ma voix, ni celle de quelqu’un que je connais. Qui peut bien parler à mon fils à travers ce babyphone ?
Je cours dans la chambre de Paul. Il dort paisiblement, sa petite main serrée autour de son doudou. Je vérifie la fenêtre : bien fermée. La porte : verrouillée. Je retourne dans le salon, le souffle court.
Le lendemain matin, je raconte tout à ma mère au téléphone. « Tu es sûre que tu n’as pas rêvé ? » Sa voix est douce mais sceptique. Elle propose de venir passer la nuit chez moi. J’accepte sans hésiter.
Le soir venu, nous installons le babyphone ensemble. Ma mère plaisante pour détendre l’atmosphère : « Peut-être que Paul a un ami imaginaire ! » Mais je vois bien qu’elle n’est pas rassurée.
Vers 22h30, alors que nous discutons dans la cuisine, un bruit strident retentit depuis le salon. Nous nous précipitons : le babyphone grésille, puis la même voix rauque s’élève : « Tu es là, Paul ? »
Ma mère pâlit. Elle attrape son portable et appelle la police. Les minutes semblent des heures avant que deux agents n’arrivent. Ils inspectent l’appartement, vérifient les fenêtres, examinent le babyphone.
« Il est possible que quelqu’un ait piraté votre appareil », explique l’un d’eux en consultant son collègue. « Ces modèles connectés ne sont pas toujours sécurisés… »
Je me sens trahie par la technologie censée protéger mon fils. Les policiers prennent le babyphone pour analyse et nous conseillent de changer tous nos mots de passe Wi-Fi.
Les jours suivants sont un cauchemar éveillé. Je dors mal, j’ai peur d’allumer mon téléphone ou d’utiliser Internet chez moi. Paul réclame son babyphone pour dormir ; je lui mens en disant qu’il est cassé.
Camille vient me voir avec des croissants et des mots réconfortants : « Tu n’es pas seule, Gabie… On va trouver une solution. » Mais je sens que quelque chose s’est brisé en moi : ma confiance dans ce monde où tout semble pouvoir être détourné contre nous.
Une semaine plus tard, la police m’appelle : ils ont retrouvé l’origine du piratage. Un adolescent du quartier s’amusait à prendre le contrôle des appareils connectés autour de lui pour « faire peur aux gens ». Il a été interpellé et ses parents sont effondrés.
Je ressens un mélange de soulagement et de colère. Comment un simple jeu peut-il bouleverser autant de vies ? Ma mère insiste pour que je débranche tous les objets connectés chez moi.
Le soir même, je serre Paul contre moi plus fort que jamais. Il me regarde avec ses grands yeux innocents : « Maman, il reviendra le monsieur ? »
Je retiens mes larmes et lui murmure que non, plus jamais.
Mais au fond de moi, une question me hante : comment protéger nos enfants dans un monde où même les murs de notre foyer ne sont plus inviolables ? Et vous… jusqu’où iriez-vous pour garantir la sécurité de ceux que vous aimez ?