Nous avons loué notre maison au frère de mon mari : quand la famille et l’argent s’entrechoquent

« Tu exagères, Claire ! On ne traite pas la famille comme ça ! »

La voix de ma belle-mère résonne encore dans ma tête, tranchante, accusatrice. Je suis debout dans le salon, les mains tremblantes, face à Paul, le frère de mon mari, qui évite mon regard. Mon mari, Antoine, serre les poings, le visage fermé. Nous venons de vivre la pire réunion de famille de ma vie.

Tout a commencé il y a un an, quand Antoine et moi avons décidé de louer notre petite maison de banlieue, à Melun, pour arrondir nos fins de mois. Nous avions acheté un appartement plus grand à Fontainebleau, pensant que la maison serait un bon investissement. Paul venait de perdre son emploi et cherchait un logement. C’était évident : pourquoi ne pas l’aider ?

« Ce n’est que temporaire, je vous le promets, » avait-il dit, les yeux humides, assis à notre table en bois massif. « Dès que je retrouve du boulot, je vous paie tout ce que je vous dois. »

Antoine m’avait regardée, hésitant. J’ai souri, confiante : « On est une famille, Paul. On va s’arranger. »

Les premiers mois, tout s’est bien passé. Paul nous envoyait un petit virement chaque mois, pas grand-chose, mais assez pour couvrir les charges. Il venait dîner chez nous le dimanche, apportait une bouteille de vin, riait avec nos enfants. Je me sentais utile, généreuse. J’avais l’impression de faire ce qu’il fallait.

Mais les choses ont changé. Paul n’a pas retrouvé de travail. Les virements sont devenus irréguliers, puis ont cessé. Je recevais des lettres de la banque, des rappels d’impôts. J’ai commencé à m’inquiéter. Antoine me disait de patienter, que Paul finirait par s’en sortir. Mais moi, je voyais nos économies fondre, la tension monter.

Un soir, après avoir reçu une mise en demeure pour impayé de taxe foncière, j’ai craqué. J’ai appelé Paul.

— Paul, il faut qu’on parle. Ça ne peut plus durer comme ça. On a besoin que tu payes le loyer, ou au moins une partie.

Un silence gênant. Puis sa voix, lasse :

— Je fais ce que je peux, Claire. Tu crois que ça m’amuse ?

— Je sais, mais nous aussi on a des problèmes. On ne peut pas tout porter pour toi.

Il a raccroché sans un mot. Le lendemain, ma belle-mère m’a appelée. Elle était furieuse.

— Comment oses-tu mettre la pression à ton beau-frère ? Il traverse une période difficile ! Tu n’as pas de cœur, Claire. Tu ne penses qu’à l’argent.

J’ai senti la colère monter. Pourquoi étais-je la méchante ? Pourquoi tout reposait-il sur moi ?

Les semaines ont passé. Paul ne répondait plus à nos messages. Antoine s’est renfermé. Nos enfants sentaient la tension. Un soir, alors que je préparais le dîner, Antoine a explosé :

— Tu ne comprends pas, Claire ! C’est mon frère ! Je ne peux pas le mettre dehors !

— Et nous ? On fait quoi ? On vend la maison ? On s’endette pour sauver Paul ?

Il a claqué la porte. J’ai pleuré toute la nuit.

Finalement, nous avons pris une décision difficile : envoyer un courrier recommandé à Paul, lui demandant de quitter la maison sous trois mois. Je n’ai jamais vu Antoine aussi abattu. Le jour où Paul a reçu la lettre, il est venu chez nous, furieux.

— Bravo, vous êtes contents ? Vous me foutez à la rue !

— Ce n’est pas ça, Paul, ai-je tenté d’expliquer. On ne peut plus continuer comme ça…

Il m’a coupée, les yeux pleins de larmes :

— Tu n’es qu’une étrangère dans cette famille. Tu ne comprends rien à la solidarité.

Antoine n’a rien dit. Il a baissé la tête. J’ai senti mon cœur se briser.

Depuis ce jour, la famille d’Antoine me regarde comme une intruse. Aux repas de famille, les conversations s’arrêtent quand j’entre dans la pièce. Ma belle-mère ne m’adresse plus la parole. Antoine et Paul ne se parlent plus. Même nos enfants posent des questions : « Pourquoi tonton Paul ne vient plus ? »

Je me demande souvent si j’ai fait le bon choix. Aurais-je dû tout accepter, tout sacrifier pour préserver la paix ? Ou bien ai-je eu raison de défendre notre famille, notre avenir ?

Aujourd’hui, je regarde Antoine, assis dans le salon, le regard perdu. Je me demande si notre couple survivra à cette épreuve. Je me demande si un jour, la famille se reconstruira.

Est-ce vraiment possible de concilier famille et affaires sans tout perdre ? Et vous, qu’auriez-vous fait à ma place ?