Quand ma fille est tombée malade, mon univers s’est effondré : Le récit d’un père français face à l’impensable

« Papa, pourquoi tu pleures ? » La voix faible de Camille me transperce alors que je serre sa petite main moite dans la chambre stérile de l’hôpital Édouard-Herriot. Je détourne les yeux, incapable de lui avouer que je suis terrifié. Terrifié par la maladie qui la ronge, terrifié par ce que j’ai découvert il y a à peine trois jours.

Tout a commencé un matin de janvier, alors que le froid mordait les trottoirs de Lyon. Camille s’est effondrée devant la porte du lycée. Les médecins ont parlé de leucémie. Ma femme, Sophie, est restée étrangement silencieuse. Je croyais que c’était le choc. Mais ce n’était que le début.

Les semaines ont filé entre les allers-retours à l’hôpital et les analyses. Un soir, alors que Camille dormait, le médecin m’a pris à part : « Monsieur Delmas, il y a une incompatibilité génétique… Nous avons besoin de refaire certains tests avec vous et votre épouse. » J’ai senti une sueur froide couler dans mon dos. Sophie a pâli, puis s’est levée brusquement : « Je dois sortir prendre l’air. » Elle n’est jamais revenue.

J’ai passé la nuit à la chercher, à appeler ses amies, sa sœur à Annecy, même sa mère avec qui elle ne parlait plus depuis des années. Rien. Le lendemain matin, j’ai trouvé une lettre sur la table de la cuisine :

« François, je suis désolée. Je ne peux pas affronter ce qui arrive. Je t’en supplie, prends soin de Camille. Pardonne-moi. »

J’ai relu ces mots des dizaines de fois, incapable d’y croire. Comment pouvait-elle partir maintenant ? Comment pouvait-elle nous abandonner alors que notre fille avait le plus besoin d’elle ?

Le médecin est revenu avec les résultats : « Monsieur Delmas… Camille n’est pas votre fille biologique. » Le sol s’est dérobé sous mes pieds. Quinze ans d’amour, de souvenirs, de rires… balayés par une phrase clinique et froide.

Je me suis effondré dans le couloir, incapable de respirer. J’ai pensé à tous ces moments : la première dent tombée, les anniversaires dans le parc de la Tête d’Or, les disputes pour qu’elle range sa chambre… Tout cela n’était-il qu’un mensonge ?

Mais quand je suis retourné près d’elle et qu’elle a ouvert les yeux en murmurant « Papa… », j’ai compris que rien ne pouvait changer l’amour que j’avais pour elle.

Les jours suivants ont été un cauchemar éveillé. Les assistantes sociales sont venues me parler de procédures, d’autorité parentale, de droits du père biologique – un homme dont je n’avais jamais entendu parler. J’ai refusé qu’on lui en parle pour l’instant. Camille avait besoin de stabilité, pas d’un nouveau séisme.

Ma famille s’est divisée. Ma mère m’a dit : « François, tu dois savoir la vérité sur cette enfant. » Mon frère a lâché : « Ce n’est pas ton sang, tu n’es pas obligé de tout sacrifier. » Mais comment leur expliquer que l’amour ne se mesure pas à l’ADN ?

Les voisins ont commencé à chuchoter dans l’immeuble. J’ai surpris Madame Lefèvre dire à sa voisine : « Tu as vu ? Sa femme est partie… On raconte que la petite n’est même pas de lui… » J’ai eu envie de hurler.

Un soir, alors que je veillais Camille qui dormait sous perfusion, elle s’est réveillée en pleurs :
— Papa… Est-ce que maman va revenir ?
Je me suis assis sur son lit et j’ai caressé ses cheveux tombés par poignées :
— Je ne sais pas, ma chérie… Mais je suis là. Je serai toujours là.
Elle m’a regardé droit dans les yeux :
— Tu me promets ?
— Je te le promets.

Les médecins ont parlé de greffe. Il fallait trouver un donneur compatible. J’ai contacté tous les membres de ma famille, même ceux avec qui je n’avais plus de contact depuis des années. Rien. J’ai dû me résoudre à lancer un appel public sur les réseaux sociaux et dans la presse locale.

Un matin, alors que je déposais un énième dossier à la Sécurité sociale, j’ai croisé le regard d’un homme dans le hall de l’hôpital. Il m’a semblé familier sans que je sache pourquoi. Plus tard ce jour-là, le médecin m’a annoncé qu’un donneur potentiel venait d’être identifié… et qu’il souhaitait rencontrer Camille.

J’ai accepté à contrecœur. L’homme est entré dans la chambre avec une nervosité palpable.
— Bonjour Camille… Je m’appelle Laurent.
Elle l’a regardé sans comprendre.
Il s’est tourné vers moi :
— François… Je crois que nous devons parler.

Nous sommes sortis dans le couloir.
— Je ne savais rien… Sophie ne m’a jamais dit qu’elle était enceinte de moi. Je viens d’apprendre que j’ai une fille…
J’ai senti la colère monter en moi :
— Tu débarques maintenant ? Après quinze ans ?
Il a baissé les yeux :
— Je veux juste l’aider.

J’ai accepté son aide pour Camille mais refusé qu’il s’immisce dans notre vie plus que nécessaire. La greffe a eu lieu deux semaines plus tard. Les jours d’attente ont été interminables.

Camille s’est battue comme une lionne. Elle a survécu à la greffe et a commencé à reprendre des forces. Mais rien ne sera jamais comme avant.

Aujourd’hui encore, je me demande : qu’est-ce qui fait un père ? Le sang ou l’amour ? Est-ce que j’aurais pu agir autrement ? Et vous, qu’auriez-vous fait à ma place ?