Dans l’ombre de la tempête : Comment la foi m’a sauvée
« Tu ne comprends pas, maman, je ne peux plus respirer ici ! » Ma voix tremblait, résonnant dans la cuisine silencieuse de notre appartement à Lyon. Ma mère, assise en face de moi, serrait sa tasse de thé comme si elle pouvait y puiser la force de me répondre. Depuis que Paul était parti, tout semblait s’effondrer autour de moi. J’avais perdu mon emploi d’infirmière à l’hôpital Édouard-Herriot à cause d’une restructuration, et mon mari avait choisi ce moment précis pour annoncer qu’il ne m’aimait plus.
Je me souviens de cette nuit où il a claqué la porte. Il pleuvait fort, les gouttes frappaient les vitres comme des reproches. J’étais restée là, figée, incapable de pleurer ou de crier. Ma mère était venue s’installer chez moi pour m’aider à tenir debout, mais chaque matin, je me réveillais avec cette sensation d’étouffement, ce vide qui me rongeait.
Les jours passaient, identiques et gris. Je n’avais plus goût à rien. Même prier me semblait inutile ; Dieu m’avait-il abandonnée ? Un soir, alors que je fixais le plafond depuis des heures, mon amie Sophie m’a appelée. « Claire, viens à la messe avec moi dimanche. Tu n’as rien à perdre. » J’ai hésité, puis j’ai accepté, plus pour lui faire plaisir que par conviction.
L’église Saint-Nizier était pleine ce matin-là. Je me suis assise au fond, le cœur lourd. Le prêtre parlait du pardon et de la confiance en Dieu même quand tout semble perdu. J’ai senti mes larmes couler sans pouvoir les retenir. Après la messe, Sophie m’a serrée dans ses bras : « Tu n’es pas seule. »
C’est là que tout a commencé à changer. Lentement. Je me suis remise à prier, d’abord timidement, puis avec plus de ferveur. Je demandais à Dieu de m’aider à tenir bon, à trouver un sens à cette épreuve. Ma mère priait avec moi le soir ; parfois, nous restions silencieuses, main dans la main.
Mais la vie ne s’adoucit pas d’un coup de baguette magique. Un matin, j’ai reçu une lettre recommandée : Paul demandait le divorce et voulait vendre l’appartement. J’ai hurlé ma colère contre les murs : « Pourquoi encore ?! » Ma mère a tenté de me calmer : « Claire, tu es forte. Tu vas t’en sortir. » Mais je n’y croyais plus.
C’est alors que mon frère Julien est venu me voir. Il avait toujours été distant, préférant sa vie à Paris à nos soucis familiaux. Mais ce jour-là, il a posé sa main sur mon épaule : « Je sais que tu souffres. Mais tu n’es pas seule. On va traverser ça ensemble. » Pour la première fois depuis des mois, j’ai senti une chaleur familière envahir mon cœur.
Petit à petit, j’ai recommencé à sortir. J’ai rejoint un groupe de prière avec Sophie ; chaque rencontre était un baume sur mes blessures. Les autres partageaient leurs épreuves : maladie, chômage, solitude… Mais tous parlaient d’espérance.
Un soir d’hiver, alors que je rentrais chez moi après une réunion du groupe, j’ai croisé une voisine âgée qui peinait à porter ses courses. Sans réfléchir, je lui ai proposé mon aide. Elle m’a souri : « Vous êtes un ange tombé du ciel ! » Cette phrase m’a bouleversée. Peut-être que ma souffrance pouvait servir à quelque chose ? Peut-être pouvais-je aider les autres malgré ma propre douleur ?
J’ai commencé à faire du bénévolat dans une association caritative du quartier de la Guillotière. Les regards reconnaissants des personnes que j’aidais m’ont redonné confiance en moi. J’ai compris que la foi n’était pas seulement une question de prières murmurées dans le noir ; elle se vivait dans chaque geste d’amour offert aux autres.
Le divorce a été prononcé au printemps suivant. J’ai dû quitter l’appartement où j’avais tant de souvenirs heureux et douloureux mêlés. Ce fut un arrachement terrible. Mais ma famille et mes amis étaient là pour m’aider à déménager, à repeindre les murs de mon nouveau studio sous les toits du 7e arrondissement.
Un soir, alors que je rangeais mes affaires, j’ai retrouvé un carnet où j’écrivais mes prières d’adolescente. Je l’ai ouvert au hasard et suis tombée sur ces mots : « Seigneur, donne-moi la force d’aimer même quand tout s’écroule autour de moi. » J’ai souri à travers mes larmes.
Aujourd’hui encore, il m’arrive d’avoir peur de l’avenir. Mais je sais que je ne suis plus seule dans l’obscurité. La foi et la prière ne m’ont pas rendue invincible ; elles m’ont rendue humaine et capable d’espérer malgré tout.
Parfois je me demande : combien sommes-nous à traverser des tempêtes en silence ? Et si nous osions tendre la main ou simplement écouter ? Peut-être que c’est là que commence le vrai miracle.