J’ai cru que vivre avec ma cousine serait une bonne idée… Aujourd’hui, je me demande si j’ai tout gâché pour quelques euros
« Tu pourrais au moins vider le lave-vaisselle, Camille ! » Ma voix résonne dans la cuisine exiguë de notre appartement lyonnais. Je me hais déjà d’avoir crié, mais la fatigue me ronge. Camille, assise sur le canapé, lève à peine les yeux de son téléphone. « Je le ferai après, Julie. J’ai eu une journée pourrie au boulot. »
C’est toujours la même rengaine depuis qu’elle a emménagé chez moi il y a six mois. Au début, j’étais pleine d’enthousiasme : partager le loyer, les courses, les soirées Netflix… J’imaginais des dîners complices et des confidences jusqu’à minuit, comme quand on était enfants chez Mamie à Clermont-Ferrand. Mais la réalité s’est vite imposée, brutale et décevante.
Camille travaille dans une agence immobilière ; ses horaires sont imprévisibles, son humeur aussi. Moi, je suis professeure des écoles, organisée à l’extrême, presque maniaque. Dès la première semaine, j’ai compris que nos rythmes ne colleraient pas : elle rentre tard, laisse traîner ses affaires partout, oublie de payer sa part d’électricité…
Un soir, alors que je corrigeais des copies dans le salon, elle est rentrée avec deux amis bruyants. « Julie, tu viens boire un verre avec nous ? » J’ai refusé poliment, mais j’ai senti dans son regard une pointe de reproche. Depuis ce soir-là, quelque chose s’est fissuré entre nous.
Les disputes se sont multipliées : pour la vaisselle, le ménage, les courses. Un matin, j’ai retrouvé mon yaourt préféré vidé dans le frigo. « C’était le dernier ! » ai-je lancé, excédée. Elle a haussé les épaules : « Je croyais que tu n’en voulais plus… »
Nos conversations se sont réduites à des listes de tâches collées sur le frigo : « Payer EDF », « Acheter du papier toilette », « Sortir les poubelles ». Les petits mots doux ont disparu. Parfois, je l’entends pleurer dans sa chambre. Je voudrais la réconforter, mais la rancœur m’en empêche.
Un dimanche matin, alors que je prépare du café, elle débarque en pyjama. « Julie… Tu crois qu’on a fait une erreur ? » Sa voix tremble. Je sens mes yeux s’embuer. « Je ne sais plus… Je voulais juste qu’on soit proches comme avant. »
Elle s’assoit en face de moi. Le silence est lourd. « Je pensais que ça nous rapprocherait… Mais on se fait plus de mal qu’autre chose. »
Je repense à toutes ces soirées où l’on riait ensemble, à nos vacances à Arcachon quand on était ados. Où est passée cette complicité ? Est-ce l’argent qui a tout gâché ? Ou simplement la vie d’adulte qui nous a séparées ?
Quelques semaines plus tard, Camille m’annonce qu’elle a trouvé un studio à Croix-Rousse. « Ce sera mieux pour nous deux », dit-elle en souriant tristement. Le jour de son départ, on s’étreint longtemps sur le pas de la porte. « On s’appelle ce week-end ? » demande-t-elle. J’acquiesce en retenant mes larmes.
Ce soir-là, seule dans l’appartement silencieux, je me demande : est-ce qu’on peut vraiment concilier famille et colocation sans tout perdre ? Est-ce que quelques euros valent la peine de sacrifier la paix et l’amour qu’on partageait ?
Et vous, avez-vous déjà tout risqué pour économiser un peu… au point de perdre ce qui comptait vraiment ?