Regrets et Confessions : Entre Deux Amours, Mon Cœur Écartelé
« Tu vas vraiment partir ? » La voix de Claire tremble, mais ses yeux me transpercent. Je suis déjà dans l’entrée, valise à la main, le cœur battant à tout rompre. Louis, notre fils de dix ans, se cache derrière la porte du salon, ses petits doigts serrés sur le chambranle. Je n’ose pas le regarder.
« François, tu ne peux pas faire ça… Pas après tout ce qu’on a construit. »
Mais je ne réponds pas. Je sens la brûlure de ses larmes, même si elle ne pleure pas encore. Je me répète que j’ai droit au bonheur, que Camille m’attend dans son petit appartement du centre-ville, que je mérite une nouvelle chance. Pourtant, chaque pas vers la sortie me donne l’impression d’arracher un morceau de moi-même.
La porte claque derrière moi. Le froid de la nuit me gifle. Je descends l’escalier en courant presque, comme si je fuyais un incendie. Camille m’accueille avec un sourire éclatant, une coupe de vin à la main. Elle rit, elle danse pieds nus sur le parquet, elle me fait oublier mes quarante-cinq ans et mes cheveux grisonnants. Avec elle, tout semble possible, léger, insouciant.
Mais la nuit venue, quand elle s’endort contre moi, je fixe le plafond. Les souvenirs affluent : les vacances à Arcachon avec Claire et Louis, les dimanches pluvieux à jouer aux échecs, les disputes pour des broutilles qui finissaient toujours par des éclats de rire. Je me demande si j’ai fait le bon choix ou si j’ai tout gâché.
Les semaines passent. Camille veut sortir, voyager, refaire le monde autour d’un café place de la République. Moi, je traîne mon mal-être comme une ombre. Elle ne comprend pas mes silences. Un soir, elle explose :
« Tu penses encore à elle ? À ton fils ? »
Je baisse les yeux. « Je ne sais plus où j’en suis… »
Elle claque la porte de la chambre. Je reste seul dans le salon, entouré de livres que je n’ai pas lus et de photos où je ne souris jamais vraiment.
Un dimanche matin, je croise Louis par hasard au marché. Il tient la main de Claire. Il me regarde sans sourire.
« Papa… Tu viens à mon match samedi ? »
Claire détourne les yeux. Je sens sa colère contenue, sa tristesse aussi. Je bredouille un « Oui », mais je sais que je n’ai plus ma place auprès d’eux.
Le samedi venu, je m’assois seul sur les gradins du stade municipal. Louis marque un but et cherche mon regard dans la foule. Je l’applaudis timidement. Claire ne me parle pas.
Le soir même, Camille m’annonce qu’elle veut partir en week-end à Lisbonne avec ses amis. Je refuse sans réfléchir.
« Tu n’es jamais vraiment là avec moi », dit-elle en rangeant ses affaires dans une valise trop neuve.
Je réalise alors que j’ai tout perdu : la chaleur d’un foyer, la complicité d’un fils, l’amour d’une femme qui connaissait mes failles et m’aimait malgré tout.
Je retourne chez Claire un soir de pluie battante. Elle ouvre la porte sans un mot.
« Je suis désolé… J’ai été lâche… »
Elle me regarde longtemps avant de répondre : « Tu as fait ton choix, François. On ne revient pas en arrière comme on referme un livre. »
Louis descend l’escalier en silence et s’arrête devant moi.
« Tu restes dîner ? »
Je hoche la tête, la gorge nouée.
Ce soir-là, autour d’un gratin dauphinois préparé par Claire, je mesure l’étendue de mon erreur. J’ai cru que le bonheur était ailleurs alors qu’il était là, fragile et imparfait, mais vrai.
Je ne sais pas si Claire me pardonnera un jour ni si Louis acceptera de me laisser redevenir son père. Mais je sais que je dois essayer.
Ai-je détruit ma famille pour une illusion ? Peut-on réparer ce qu’on a brisé par égoïsme ? Qu’auriez-vous fait à ma place ?