Ce que la foi ne pouvait pas cacher : Confessions d’une femme trahie

« Tu rentres tard, encore ? » Ma voix tremble à peine, mais je sens déjà la colère sourdre sous mes mots. François, mon mari depuis vingt-sept ans, pose son manteau sur le dossier de la chaise, évite mon regard. Il marmonne : « La messe a duré plus longtemps que d’habitude. »

Depuis Pâques, il va à l’église tous les jours à 17h30. Au début, j’ai cru à une crise de la cinquantaine. Il parlait souvent de foi, de besoin de se purifier, de se retrouver. Je me suis dit : « Après tout, il y a pire que d’avoir un mari pieux. » Mais quelque chose sonnait faux. Il ne priait jamais à la maison. Il ne voulait plus partager nos repas du soir, prétextant le jeûne ou la méditation.

Un soir, alors que je débarrassais la table, notre fille Camille m’a lancé : « Papa est bizarre, tu trouves pas ? Il sourit tout le temps à son téléphone. » J’ai haussé les épaules. Mais le doute s’est insinué. J’ai commencé à observer François. Il rentrait parfumé, alors qu’il n’a jamais aimé les eaux de toilette. Il fredonnait des chansons que je ne connaissais pas.

Un jeudi pluvieux, j’ai décidé de le suivre. Mon cœur battait si fort que j’avais l’impression qu’il allait exploser. Je l’ai vu entrer dans l’église Saint-Martin, mais il n’est pas resté longtemps dans la nef. Il a filé vers la sacristie. Dix minutes plus tard, il en est ressorti avec une femme : Élise, la nouvelle organiste du village. Je les ai vus rire, se frôler la main.

Je suis rentrée chez moi, glacée. Le soir même, j’ai confronté François :
— Tu pries avec Élise maintenant ?
Il a pâli. « Ce n’est pas ce que tu crois… »
Mais je savais déjà. Les messes n’étaient qu’un prétexte.

Les jours suivants ont été un cauchemar éveillé. François a avoué : il se sentait vieux, invisible, et Élise lui avait redonné goût à la vie. « Je n’ai jamais voulu te blesser », répétait-il. Mais chaque mot était une gifle.

Camille a hurlé quand elle l’a appris : « Tu détruis tout pour une histoire de vieux ! » Notre fils Paul a claqué la porte et n’est pas revenu pendant des semaines.

J’ai erré dans la maison vide, respirant l’odeur de François sur ses chemises, relisant nos lettres d’autrefois. Je me suis demandé : ai-je été trop aveugle ? Trop confiante ?

Ma sœur Sophie m’a prise dans ses bras : « Tu n’es pas responsable de ses choix. Mais tu dois penser à toi maintenant. »

J’ai voulu pardonner. Pour nos enfants, pour notre histoire. Mais chaque fois que François rentrait, je voyais Élise dans ses yeux.

Un soir d’automne, alors que les feuilles tombaient comme mes illusions, j’ai pris une décision. J’ai dit à François :
— Je ne peux plus vivre dans le mensonge. Tu dois partir.
Il a pleuré. Moi aussi.

Aujourd’hui, la maison est silencieuse. Parfois Camille vient dîner avec moi ; Paul m’appelle de temps en temps. Je reconstruis lentement ma vie.

Mais chaque soir, en fermant les volets, je me demande : comment peut-on survivre à une telle trahison ? Et vous, auriez-vous su pardonner ?