Entre l’Amour et la Colère : Lettre d’une Mère Déchirée

« Tu ne comprends jamais rien, maman ! » Guillaume claque la porte du salon, sa voix résonne encore dans l’appartement silencieux. Je reste figée, la tasse de thé tremblant entre mes mains. Il est 19h, la nuit tombe sur Lyon, et je me sens plus seule que jamais.

Depuis le divorce de Guillaume et Camille, mon univers s’est effondré. J’ai perdu bien plus qu’une belle-fille ; j’ai perdu une amie, une confidente, presque une fille. Mais comment le dire à mon propre fils sans trahir sa confiance ? Comment lui avouer que je continue à voir Camille en cachette, que je garde des photos d’elle et des enfants dans mon portefeuille ?

Tout a commencé il y a deux ans, lors de ce fameux dîner de Noël. Camille était tendue, Guillaume nerveux. Les enfants, Léa et Paul, jouaient dans le couloir. Soudain, une dispute a éclaté pour une histoire de cadeaux mal choisis. Des mots durs ont fusé : « Tu ne penses jamais à moi ! » « Tu es égoïste ! » J’ai tenté d’apaiser les choses, mais rien n’y a fait. Quelques semaines plus tard, ils annonçaient leur séparation.

Depuis, Guillaume s’est refermé comme une huître. Il ne parle plus que du travail, refuse d’aborder le sujet de Camille. Pourtant, chaque fois qu’il vient dîner, je sens sa colère sourde, son amertume. Il m’en veut de ne pas avoir pris son parti, de ne pas avoir « soutenu son combat ». Mais comment choisir entre mon fils et celle qui a tant compté pour moi ?

Camille, elle, m’appelle parfois le soir. Sa voix est fatiguée, brisée. « Françoise, je ne sais plus quoi faire avec Léa… Elle pleure tout le temps depuis qu’elle ne voit plus son père… » Je l’écoute, je la console comme je peux. Parfois, je lui propose de passer à la maison avec les enfants. Mais je dois cacher ces visites à Guillaume. Je mens à mon propre fils pour continuer à voir ses enfants et leur mère.

La semaine dernière, tout a failli éclater. Guillaume est arrivé à l’improviste alors que Camille était là avec Léa et Paul. J’ai eu juste le temps de faire sortir Camille par la porte de derrière. Léa a oublié son doudou sur le canapé. Guillaume l’a trouvé et m’a lancé un regard noir : « Tu me trahis, maman ? »

Je n’ai pas su quoi répondre. Je me sens coupable, déchirée entre deux amours impossibles à concilier. Mon mari Jacques me reproche mon manque de fermeté : « Il faut choisir ton camp, Françoise ! » Mais comment choisir ? Les enfants n’y sont pour rien…

Hier soir encore, j’ai relu les messages de Camille : « Merci d’être là pour moi… Je n’ai plus personne à qui parler. » Et ceux de Guillaume : « Arrête de te mêler de ma vie ! » Je pleure en silence dans ma chambre, incapable de trouver la paix.

Je me demande sans cesse : ai-je raté quelque chose dans l’éducation de Guillaume ? Aurais-je dû intervenir plus tôt ? Pourquoi ce sentiment d’impuissance me ronge-t-il autant ?

Parfois, j’aimerais tout avouer à Guillaume : lui dire que je comprends sa douleur mais que je ne peux pas effacer Camille de ma vie du jour au lendemain. Mais j’ai peur qu’il coupe définitivement les ponts.

Ce matin encore, en déposant Léa à l’école, Camille m’a serrée dans ses bras : « Tu es la seule famille qui me reste… » Ces mots résonnent en moi comme un écho douloureux.

Je vous écris aujourd’hui parce que je ne sais plus vers qui me tourner. Comment gérer ces sentiments contradictoires ? Comment rester une mère aimante sans trahir personne ? Est-ce possible d’aimer deux camps à la fois sans se perdre soi-même ?

Et vous, que feriez-vous à ma place ? Faut-il choisir ou peut-on rester le pont fragile entre deux rives brisées ?