J’ai décroché le téléphone de mon amie… et c’est la voix de mon mari que j’ai entendue

« Allô ? » La voix de mon mari résonne dans le combiné, rauque, familière, mais teintée d’une nervosité que je ne lui connais pas. Je reste figée, le cœur battant à tout rompre. Je n’aurais jamais dû décrocher ce téléphone. C’était celui d’Élodie, ma meilleure amie depuis la fac, posée sur la table basse alors qu’elle s’affairait dans la cuisine à préparer du thé. J’avais juste voulu aider, répondre à ce numéro inconnu qui insistait. Mais cette voix… c’était celle de Paul, mon mari depuis douze ans.

Je raccroche brutalement, la main tremblante. Élodie revient, souriante, sans se douter de rien. « C’était qui ? » demande-t-elle innocemment. Je bredouille un « Personne », incapable de soutenir son regard. Mon esprit tourne à toute allure : pourquoi Paul appelle-t-il Élodie ? Pourquoi cette nervosité dans sa voix ?

Le reste de la soirée se déroule dans une brume étrange. Je souris, je ris même à ses blagues, mais tout sonne faux. Je rentre chez moi plus tôt que prévu, prétextant une migraine. Paul est déjà là, plongé dans ses dossiers d’architecte. Il lève à peine les yeux quand j’entre. « Ça va ? Tu as l’air fatiguée… » Je hoche la tête, incapable de prononcer un mot.

La nuit est longue. Je me retourne sans cesse dans notre lit conjugal, cherchant une explication rationnelle. Paul et Élodie ne se sont jamais vraiment appréciés ; ils se toléraient pour moi. Alors pourquoi ce coup de fil ?

Le lendemain, je fouille dans le téléphone d’Élodie sous un prétexte futile alors qu’elle prend sa douche après notre footing du dimanche matin. Je trouve des messages effacés, mais l’historique d’appels ne ment pas : Paul l’a appelée plusieurs fois ces dernières semaines. Mon cœur se serre. Je me sens trahie, humiliée.

Je confronte Paul le soir même. Il nie d’abord, puis s’énerve : « Tu me surveilles maintenant ? Tu deviens parano ! » Mais je vois son regard fuyant, ses mains qui tremblent. Finalement, il avoue : « Élodie m’a appelé parce qu’elle avait besoin de parler… Elle ne voulait pas t’inquiéter avec ses problèmes d’argent. Je l’ai aidée à remplir des papiers pour son divorce… C’est tout. »

Mais quelque chose cloche. Pourquoi tant de secret ? Pourquoi ne pas m’en avoir parlé ?

Je décide d’en parler à Élodie. Elle éclate en sanglots : « Je suis désolée, Camille… Je ne voulais pas te blesser… Paul a été là pour moi quand j’allais mal… On a beaucoup parlé… Il m’a soutenue… Peut-être un peu trop… »

Je comprends alors ce qui n’est pas dit. Leur complicité nouvelle, leurs regards échangés lors de nos rares dîners à trois… Tout me revient en mémoire comme des éclats de verre dans la poitrine.

Les semaines suivantes sont un enfer silencieux. Je me sens étrangère dans ma propre vie. Ma mère me répète : « Tu dois pardonner, penser à ta fille… » Ma fille, Lucie, 8 ans, sent la tension et me demande chaque soir si papa et maman vont divorcer.

Au travail, je fais semblant d’aller bien. Mais mes collègues sentent bien que quelque chose cloche. Mon patron, Monsieur Lefèvre, me convoque : « Camille, tu veux en parler ? Tu sais que tu peux prendre quelques jours si besoin… » Mais je refuse. J’ai besoin de routine pour ne pas sombrer.

Un soir, Paul rentre tard. Il sent le vin et le tabac froid. Il s’assied en face de moi à la table de la cuisine : « Camille… Je crois qu’on doit parler sérieusement. Je ne sais plus où j’en suis… Avec toi… Avec nous… Avec Élodie… »

Je sens la colère monter : « Tu veux dire que tu hésites entre ta femme et ma meilleure amie ? Tu réalises ce que tu es en train de dire ? »

Il baisse les yeux : « Je suis désolé… Je ne voulais pas que ça arrive… Mais avec toi tout est devenu si compliqué… On ne se parle plus vraiment… Et Élodie… elle m’écoute… »

Je claque la porte et sors dans la nuit glaciale de février. Les rues de Nantes sont désertes à cette heure-là. Je marche longtemps, les larmes gelant sur mes joues.

Les jours suivants, je coupe les ponts avec Élodie et Paul s’installe chez un ami commun. Lucie pleure tous les soirs et refuse de manger. Ma belle-mère m’appelle pour me supplier de « sauver la famille ». Mais comment sauver ce qui est déjà brisé ?

Un matin, Élodie frappe à ma porte. Elle a mauvaise mine, les yeux gonflés : « Camille… Je t’en supplie… Pardonne-moi… Je n’ai jamais voulu ça… Paul m’a dit qu’il t’aimait encore mais qu’il était perdu… Je vais quitter Nantes pour quelques temps… Peut-être que ça aidera… »

Je ferme la porte sans répondre.

Aujourd’hui, trois mois ont passé. Paul et moi sommes en thérapie conjugale mais rien n’est simple. La confiance est morte et je ne sais pas si elle renaîtra un jour.

Parfois je me demande : comment peut-on survivre à une double trahison ? Peut-on vraiment pardonner à ceux qu’on aime le plus au monde ? Et vous, qu’auriez-vous fait à ma place ?