Ce jour où j’ai tout découvert : l’envers du bonheur conjugal
— Tu rentres tard ce soir ?
La voix de Julien résonne dans le couloir, banale, presque tendre. Je réponds machinalement, sans lever les yeux de mon téléphone :
— Oui, j’ai une réunion qui risque de s’éterniser.
Mensonge. Je n’ai pas de réunion. Je n’ai que des doutes, des soupçons qui me rongent depuis des semaines. Dix ans de mariage, deux enfants, une maison à Montreuil, et pourtant… quelque chose a changé. Julien n’est plus le même. Il ne me regarde plus comme avant, il s’échappe dans le silence ou dans son ordinateur portable qu’il garde jalousement.
Ce soir-là, il part précipitamment pour un footing. Je reste seule dans le salon, le cœur serré. Son ordinateur est là, ouvert sur la table basse. Je n’ai jamais fouillé dans ses affaires, mais ce soir, une force étrange me pousse. Je m’approche, hésite, puis je clique sur sa boîte mail.
Un message attire mon attention : « Merci pour hier soir… Tu me manques déjà. » Signé : Sophie.
Mon sang se glace. Sophie. Ce prénom résonne dans ma tête comme une gifle. Je lis, relis le message, puis d’autres encore. Des mots doux, des rendez-vous secrets, des promesses murmurées à une autre. Mon Julien, celui qui m’a juré que la fidélité était la base de tout, celui qui disait que la trahison était impardonnable…
Je ferme brutalement l’ordinateur. Mes mains tremblent. Les enfants jouent dans leur chambre, insouciants. Je m’effondre sur le canapé, incapable de pleurer ou de crier. Tout se mélange : colère, humiliation, tristesse.
Quand Julien rentre, je l’attends dans la cuisine. Il sent la sueur et l’herbe coupée. Il me sourit, mais je vois dans ses yeux qu’il devine quelque chose.
— Il faut qu’on parle.
Il pâlit. Je lui montre l’écran de son ordinateur.
— C’est quoi ça ?
Il ne nie pas. Il baisse les yeux, cherche ses mots.
— Claire… Je suis désolé… Ce n’est pas ce que tu crois…
Je ris jaune.
— Ah bon ? Parce que moi je crois que tu couches avec Sophie !
Il s’assoit lourdement. Le silence s’installe, pesant.
— Je ne voulais pas te blesser… C’est arrivé comme ça… On s’est rapprochés au travail… J’étais perdu…
Je hurle :
— Tu m’as toujours dit que la trahison c’était la fin ! Que jamais tu ne pourrais pardonner ! Et maintenant ? Tu veux que je fasse quoi ? Que je fasse comme si de rien n’était ?
Il pleure. Pour la première fois depuis des années, il pleure devant moi.
— Je t’en supplie Claire… Donne-moi une chance… Je t’aime… Je regrette tellement…
Les jours suivants sont un enfer. Je fais semblant devant les enfants. Je souris à la maîtresse à la sortie de l’école. Mais à l’intérieur, je suis vide. Ma mère me répète :
— Tu dois penser aux enfants avant tout.
Ma sœur hurle :
— Fous-le dehors ! Il ne te mérite pas !
Mon père soupire :
— Les hommes sont tous pareils…
Je ne sais plus qui écouter. La nuit, je tourne en rond dans notre chambre conjugale. Julien dort sur le canapé du salon. Parfois j’entends ses sanglots étouffés.
Un soir, il frappe à la porte.
— Claire… Je sais que j’ai tout gâché… Mais laisse-moi au moins essayer de réparer… Pour toi, pour les enfants…
Je le regarde longtemps sans répondre. J’ai envie de lui hurler ma douleur, mais aussi de retrouver ce bonheur simple d’avant.
Les semaines passent. Nous allons voir une conseillère conjugale à Vincennes. Elle nous écoute sans juger. Elle me demande :
— Qu’est-ce qui vous retient encore auprès de lui ?
Je réponds sans réfléchir :
— L’amour… et la peur d’être seule.
Julien fait des efforts. Il cuisine pour les enfants, il m’écrit des lettres maladroites où il me supplie de lui pardonner. Mais la confiance est brisée.
Un matin d’automne, alors que les feuilles mortes tapissent le square en bas de chez nous, je décide de partir quelques jours chez ma sœur à Lyon avec les enfants. Julien reste seul à la maison.
Dans le train, ma fille me demande :
— Maman, pourquoi papa il pleure tout le temps ?
Je retiens mes larmes et lui caresse les cheveux.
— Parce qu’il a fait une grosse bêtise et qu’il est triste.
À Lyon, je retrouve un peu de paix. Ma sœur m’emmène marcher sur les quais du Rhône. Elle me serre fort contre elle.
— Tu as le droit d’être en colère… Mais tu as aussi le droit d’être heureuse sans lui.
Je réfléchis longtemps à ses mots. Et si je pouvais recommencer ailleurs ? Et si je pouvais me reconstruire sans Julien ?
Quand je rentre à Montreuil, Julien m’attend sur le pas de la porte avec un bouquet de pivoines — mes fleurs préférées.
— Claire… Je comprends si tu veux partir… Mais sache que je t’aimerai toujours.
Je prends le bouquet sans un mot et entre dans la maison.
Aujourd’hui encore, je ne sais pas ce que je vais décider. Pardonner ou partir ? Recommencer ou tout quitter ?
Est-ce qu’on peut vraiment reconstruire après une trahison ? Ou bien faut-il tout brûler pour renaître de ses cendres ? Qu’auriez-vous fait à ma place ?