Le Mensonge de la Baby-sitter : Une Nuit qui a Bousculé Saint-Aubin

« Il est où Paul ?! » La voix de Madame Lefèvre résonne encore dans ma tête, tranchante comme un couteau. Je me souviens de la sueur froide qui a coulé le long de mon dos, du silence assourdissant dans le salon, du jouet abandonné sur le tapis. J’étais seule avec Paul, six ans, ce soir-là. Les parents étaient partis à la réunion de l’association des commerçants, comme chaque premier jeudi du mois. Je devais juste surveiller un enfant qui dormait paisiblement à l’étage. Rien de plus simple.

Mais vers 22h, j’ai voulu vérifier si Paul dormait toujours. La porte de sa chambre était entrouverte, le lit vide. Mon cœur s’est emballé. J’ai cherché partout : sous le lit, dans la salle de bain, même dans le placard à balais. Rien. J’ai paniqué. Au lieu de réfléchir, j’ai appelé les parents en hurlant : « Paul a disparu ! »

Tout s’est enchaîné très vite. Les Lefèvre sont arrivés en trombe, suivis des voisins alertés par mes cris. Les gendarmes ont débarqué, les lampes torches fouillant chaque recoin du jardin, les chiens reniflant les buissons. Les gens du village se sont rassemblés sur la place, certains en pyjama, d’autres en robe de chambre. On murmurait déjà : « On n’est plus en sécurité nulle part… »

Je me sentais coupable, mais je n’osais pas avouer que je n’avais pas bien vérifié. Je me suis laissée emporter par la panique et j’ai menti : « Je l’ai vu descendre l’escalier… Il voulait sûrement aller chercher un verre d’eau… » Mais au fond de moi, je savais que c’était faux. Je n’avais rien vu du tout.

Les heures ont passé. Les gendarmes interrogeaient tout le monde. Monsieur Lefèvre me fixait avec des yeux pleins de reproches. Madame Lefèvre pleurait, effondrée sur le canapé. Les voisins chuchotaient : « Camille était toujours une fille sérieuse… Mais on ne sait jamais… »

Vers trois heures du matin, alors que la tension était à son comble, un cri a retenti depuis l’étage : « Il est là ! » Paul venait d’être retrouvé… endormi sous son lit, blotti contre son ours en peluche. Il avait eu peur d’un orage et s’était caché sans faire de bruit. Tout ce chaos pour rien.

Le soulagement a été immédiat, mais il a vite laissé place à la colère. Monsieur Lefèvre m’a prise à part :
— Camille, pourquoi as-tu menti ? Pourquoi as-tu dit que tu l’avais vu descendre ?
Je n’ai pas su quoi répondre. Les mots se sont coincés dans ma gorge.

Les jours suivants ont été un enfer. Au lycée, tout le monde parlait de « l’affaire Paul ». Certains me soutenaient : « Tu as eu peur, ça peut arriver à tout le monde… » D’autres étaient moins indulgents : « Elle aurait pu causer un drame… »

Ma mère m’a prise dans ses bras le soir :
— Tu sais, Camille, on fait tous des erreurs. Mais il faut apprendre à les reconnaître.
Mais comment avouer à tout le village que j’avais menti ? Que j’avais inventé une partie de l’histoire par peur d’être jugée incompétente ?

Je me suis enfermée chez moi pendant des jours. J’entendais les conversations derrière la porte :
— On ne lui confiera plus jamais nos enfants…
— Elle est trop jeune pour ce genre de responsabilités…

Un soir, j’ai croisé Paul et sa mère à la boulangerie. Il m’a souri timidement et m’a tendu un dessin : un soleil et deux personnages qui se tiennent la main.
— Tu veux bien encore jouer avec moi ?
J’ai fondu en larmes devant tout le monde.

Ce geste m’a donné la force d’aller voir les Lefèvre et de leur dire la vérité :
— Je suis désolée… J’ai paniqué, j’ai menti parce que j’avais peur qu’on me juge mauvaise baby-sitter… Je n’aurais pas dû.
Monsieur Lefèvre a soupiré longuement.
— Ce qui compte maintenant, c’est que tu assumes tes actes et que tu apprennes de cette nuit-là.

Depuis, je fais attention à chaque mot que je prononce. J’ai compris que la confiance se construit lentement mais peut s’effondrer en un instant. J’essaie de regagner celle des autres petit à petit.

Parfois je me demande : est-ce qu’on mérite tous une seconde chance ? Et vous, auriez-vous pardonné mon erreur ?